Le travail pour modèle
Photographier le travail, c’est le titre de la rencontre organisée par le Gyptis, vendredi dernier avec François Hébel, directeur de la Biennale Foto Industria et de la fondation Henri CartierBresson. Hébel nous fait découvrir un univers habituellement clos, qu’il faut parfois investir en chercheur de trésor, en pistant les albums d’entreprise sur les marchés, véritables pépites pour les collectionneurs. Certains photographes – et parmi les plus reconnus – se retrouvent quant à eux mandatés à un moment de leur carrière pour saisir derrière les murs du labeur l’instantané d’une industrie en essor ou en agonie. D’autres franchiront les barrières sans y être invités par les maîtres des lieux, pour trouver une autre forme d’authenticité, un regard plus frontal. La première chose qui frappe dans le visionnage de ces clichés, c’est la diversité foisonnante des approches de leurs photographes. Le travail est un lieu de vie, mais il est également l’illustration d’une condition. Il cristallise les luttes pour la liberté ; il est le lieu privilégié des constructions sociales où s’épanouissent les pouvoirs. David Goldblatt nous fait descendre dans les puits des mines de charbon pour nous parler d’apartheid, quand Jacqueline Hassink nous offre le vertige des Tables de pouvoir (Table of Power), ces salles réservées aux conseils d’administration des grands groupes industriels, projections de leur orgueil ou de leur modestie sur ces architectures et ces mobiliers souvent luxueux. Michele Borzoni, lui, saisira les foules de candidats à la fonction publique, témoignage d’une instabilité économique et d’une recherche de sécurité. Le travail peut être le prisme par lequel aborder les problèmes écologiques, quand aux lisières des zones industrielles se forment des montagnes de déchets. Il peut être le témoin d’un bouleversement de l’économie, ou du paysage, comme la collection Making of Lynch d’Arthur Walter en témoigne, où l’on voit la naissance d’une ville entière autour de l’exploitation du charbon. Derrière cette notion de travail, c’est un monde en mouvement qui se raconte.