Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Patricia Dagorn: sa vie est un roman... noir

Jugée à Nice, Patricia Dagorn est décrite comme une fausse femme d’affaires mais une vraie séductrice. Elle nie avoir empoisonné de vieux messieurs par appât du gain. Un fréjusien témoignait hier

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Patricia Dagorn, 57 ans, apparaît dans le box des assises les traits tirés après cinq ans de détention. Sans maquillage, cheveux mi-longs grisonnant­s, l’accusée, vêtue d’une veste de survêtemen­t trop ample, a abandonné les atours de la séductrice d’antan. Loin de la photo de cette quinquagén­aire pimpante, cheveux courts et regards malicieux, présentée par le président Benoît Delaunay à la cour et aux jurés. Sur le banc des parties civiles, Robert Vaux, retraité de Fréjus, 87 printemps, s’installe. Avant l’ouverture des débats, il explique être venu témoigner « sans haine ». Son médecin lui a confirmé qu’il avait été empoisonné au Valium pendant les trois mois qu’il partagea avec Patricia Dagorn : « Je suis en vie. J’ai gagné ! », s’exclame-t-il avec philosophi­e. « Dans la semaine où j’allais très mal, elle a écrit deux lettres et fait un fax à mon notaire demandant la jouissance de tous mes biens. À l’époque, même la pharmacien­ne m’avait dit avec humour : Robert, t’es en danger, tu pourrais écrire un roman noir ! »

« Obnubilée par l’argent»

Francesco Filippone a eu moins de chance. Il est mort en février 2011 à Mouans-Sartoux alors qu’il entretenai­t lui aussi une liaison avec Mme Dagorn. Son fils a pris place à côté de son avocat Me Braganti. Tous sont persuadés que Patricia Dagorn n’est pas étrangère à la soudaine dégradatio­n de son état de santé. Michel Knefel, 67 ans, a été retrouvé mort en juillet 2011 à Nice dans une chambre d’hôtel « Un cocktail alcool-Valium a sans doute provoqué sa mort », confirme le légiste. Lui aussi avait succombé aux charmes de Patricia. L’accusée doit se sentir seule contre tous. Même ses enfants lui écrivent le dégoût qu’elle leur inspire. L’enquêteur de personnali­té la traite à son tour dans un portrait peu flatteur « d’égoïste », « obnubilée par l’argent. » Lors du récit de sa vie, on apprend qu’elle a confié ses deux fils aux services sociaux, reproduisa­nt l’abandon dont elle avait été victime à l’âge de 6 ans. « Elle n’a pas souvenir de marque d’affection de la part de ses parents », ajoute l’enquêteur de personnali­té. Celle qui, enfant, se réfugiait dans la lecture, suit des études supérieure­s, décroche un DUT carrière juridique mais rate sa licence. Elle rencontre Luc avec qui elle aura deux fils. Elle l’accuse de l’avoir violée, torturée, le fait condamner à onze ans de réclusion... avant de l’épouser en détention ! « J’ai cédé à ses pressions », explique-t-elle. Le couple divorcera en 2005. Difficile de s’y retrouver dans cet itinéraire tortueux. Après une vie recluse dans un presbytère du Gers, elle décide de refaire sa vie sur la Côte d’Azur. «Elle voulait tirer un trait sur vingt ans de galère », observe le commandant Pierre Batty, chef de la brigade criminelle.

« La Zézette du Père Noël »

Fausse femme d’affaires mais vraie séductrice, elle débarque avec des projets extravagan­ts : l’aménagemen­t d’un manoir à 12 millions, l’invitation à son mariage avec une demande de participat­ion de 300 euros à chaque convive… Elle multiplie les rencontres, la création de sociétés sans activité, les demandes d’argent et les plaintes pour viol. « Un système de défense », analyse le commandant Catherine Messineo. Fin 2012, elle est condamnée au tribunal de Thonon-les-Bains à cinq ans de prison pour avoir drogué et dépouillé un homme de 87 ans. Décrite par l’accusation comme une empoisonne­use machiavéli­que et qualifiée de « veuve noire » par les médias, en référence à l’araignée venimeuse, cette affaire éclaire d’un jour nouveau son passage sur la Riviera. « Si Mme Dagorn n’avait pas trimballé sa vie dans une valise, jamais les enquêtes de Nice et Mouans-Sartoux n’auraient été reprises », admet le commandant Messineo qui compare l’accusée à la« Zézette du Père Noël, traînant son caddie. » Dans ses affaires, des testaments, des procuratio­ns sur des comptes bancaires, des copies de cartes d’identité de vieux messieurs parfois riches, parfois indigents. C’est toute l’ambiguïté de ce personnage, aussi à l’aise dans un meublé avec un SDF que sur le pont d’un voilier avec un riche retraité. Même un pilote de ligne à la retraite a succombé à ses charmes. « Il avait compris qu’elle racontait des bobards mais ne se plaignait pas puisqu’il avait eu en échange des prestation­s sexuelles », analyse le commandant Pierre Batty. Quant à ses compagnons d’infortune, ils lui faisaient croire qu’ils avaient des biens. Un mensonge qui aurait pu leur coûter la vie ?

 ?? (Photo Frantz Bouton) ?? Arrivée hier matin de Patricia Dagorn au palais de justice de Nice. Son procès doit durer la semaine. Ses avocats, Me Rimondi et Me Huissoud, plaideront son acquitteme­nt.
(Photo Frantz Bouton) Arrivée hier matin de Patricia Dagorn au palais de justice de Nice. Son procès doit durer la semaine. Ses avocats, Me Rimondi et Me Huissoud, plaideront son acquitteme­nt.

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