Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Quand Macron fait du Hollande

- L’ÉDITO de DENIS JEAMBAR Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Ne dites pas à Emmanuel Macron qu’il est parfois en marche sur les traces de François Hollande, il pense qu’il ne parcourt que de nouveaux chemins. Pourtant, la comparaiso­n entre son discours sur la justice, prononcé hier à l’occasion de l’audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, et celui tenu devant la même assemblée par François Hollande en  est édifiante : le chef de l’État dit à peu près la même chose que son prédécesse­ur. Au point qu’on se prend à penser que l’auteur de son discours a relu si attentivem­ent le texte de François Hollande qu’il s’en est parfois inspiré ! En tout cas, les deux thèmes mis en avant par Emmanuel Macron – indépendan­ce et efficacité – figuraient en toutes lettres dans le discours hollandais d’il y a cinq ans. On y trouvait aussi, évidemment, le même éloge ambigu de la séparation des pouvoirs. Bref, un propos sans grande nouveauté qui a suscité la déception des organisati­ons de magistrats faute de voir exaucé leur voeu d’en finir avec la subordinat­ion des membres du parquet au pouvoir exécutif. « Une justice indépendan­te, ce n’est pas une justice sans lien avec l’État », avait lancé François Hollande, réaffirman­t le rattacheme­nt du ministère public au ministère de la Justice, tout en proposant que ses membres soient nommés par le garde des Sceaux sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistratu­re. Emmanuel Macron n’a rien dit de différent hier : « Le procureur de la République participe à l’activité judiciaire et exerce l’action publique. C’est pour cela que ce magistrat doit relever de l’autorité de la garde des Sceaux et donc être nommé par elle. »

Il est vrai que le Président peut arguer que le Conseil Constituti­onnel, saisi par les syndicats de magistrats, a conclu au mois de décembre dernier que cette subordinat­ion, qu’ils imaginaien­t inconstitu­tionnelle, est bel et bien conforme à nos institutio­ns. En vérité, comme tous ses prédécesse­urs, Emmanuel Macron redoute un gouverneme­nt des juges, hantise française depuis la Révolution de , une menace que redoutait déjà Montesquie­u. Élus au suffrage universel direct, tous les Présidents de la Ve République ont au fond adopté la formule du général de Gaulle : « En France, la meilleure cour suprême, c’est le peuple. » Il arrive donc à Emmanuel Macron de trouver du charme aux idées de l’ancien monde.

« En vérité, comme tous ses prédécesse­urs, Macron redoute un gouverneme­nt des juges. »

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