Affaire «mains propres» : voyage judiciaire dans les paradis fiscaux
Le procès en appel de l’affaire « mains propres », ce vaste dossier politico-financier qui avait secoué la Côte d’Azur à la fin des années 2000, a débuté hier matin à Aix. Par les mêmes exceptions de nullité soulevées il y a tout juste un an devant le tribunal correctionnel de Marseille. Elles n’avaient pas fait mouche à l’époque. Hier, le président de la cour d’appel Vincent Turbeaux a, rapidement, de nouveau joint l’incident au fond pour plonger au coeur de ce dossier : un voyage en terres paradisiaques – d’un point fiscal, du moins–, où les sacs de sports sont remplis de billets de banques, et les noms de sociétés sont parfois aussi exotiques que leurs domiciliations.
Du banditisme au monde des affaires
Durant près de 3 h 30, le président a résumé les faits de ce jour d’août 2008 où les services antimafia italiens ont alerté leurs homologues transalpins sur les agissements potentiellement délictuels d’un de leurs ressortissants installé à Menton. Mais les surveillances mises en place par la police judiciaire et le GIR va très vite conduire les policiers français du milieu du grand banditisme à celui du monde des affaires où se mêlent hommes politiques azuréens et entrepreneurs du BTP. Devant la cour d’appel comparaissent notamment le maire de Beausoleil, Gérard Spinelli, et les promoteurs monégasques de la tour Odéon, Paolo et Claudio Marzocco. Ils ont bénéficié d’une relaxe en première instance, mais le présumé pacte de corruption qui les aurait liés pour faciliter l’édification de cette tour de 170 mètres sera donc de nouveau examiné aujourd’hui. Hier la cour s’est plutôt intéressée au cas de Silvio Perlino, ce conseiller financier spécialisé dans le montage de sociétés offshore. Il reconnaît en avoir géré « plus de 1000 » avant que cette affaire ne l’oblige à prendre sa retraite.
Le « bas de laine » des Vestri
Si ce n’est que cela n’aurait rien d’illégal, à en croire son avocate Me Valérie Serra, Silvio Perlino « étant italien et exerçant son activité entre la Suisse et Monaco ». Si ce n’est que lorsque les clients sont français, rappelle le président Turbeaux, «ça s’appelle de l’évasion fiscale ». Et c’est bien tout l’enjeu, puisque le prévenu est poursuivi pour blanchiment de fraude fiscale. Celle pour laquelle les filles de feu le sénateur maire de Saint-Jean-CapFerrat, René Vestri, ont été condamnées. « De manière définitive », précise le magistrat. L’enquête avait en effet permis de mettre au jour des comptes dissimulés à Lugano. AngeRoméo Alberti, dit «Lino», un entrepreneur italo-monégasque également poursuivi dans le volet Odéon de l’affaire, aurait aidé les membres de la famille Vestri à dissimuler leur « bas de laine » en Suisse. «A la demande de son vieil ami René », précise-t-il à la barre. Il assure ne pas s’être posé la question de l’origine des fonds, pas plus que Silvio Perlino. Il s’agirait « d’économies » ou peut-être des recettes au black de la plage privée de Passable. Au passage, le président Turbeaux ne peut s’empêcher de trouver un brin «cocasse» cette concession du domaine public de Saint-Jean aux propres filles du maire. Le décor est planté.