Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Quel est le plus beau marché de France ?

Comme ici celui de Sanary, nos marchés sont l’âme de nos villes, de nos territoire­s. Var-matin s’associe au «13 heures» de Jean-Pierre Pernaut sur TF pour élire le plus beau marché de France. Alors, à vous de voter !

- ERIC GALLIANO egalliano@nicematin.fr

«Un marché est une production collective d’anachronis­me, et, en cela, il répond à une logique contempora­ine », écrivait Michèle de la Pradelle. Cette anthropolo­gue, décédée en 2004, a disséqué les codes humains qui régissent ces lieux de vie si singuliers. Le marché de Carpentras, quintessen­ce de ces rendezvous provençaux qui ont survécu à l’usure du temps, était son terrain d’étude. Et pour elle, « la pérennité et le succès de nos marchés » seraient justement « à mettre au compte de cette intense consommati­on d’inactuel que fait notre monde actuel ». On viendrait, ainsi, y humer au milieu des étals un peu de ce temps d’avant et, bien sûr, célébrer « une identité locale » que cette universita­ire n’hésite pas à qualifier de… « fictive » ! Car il n’a évidemment pas échappé à l’oeil de l’anthropolo­gue que, souvent, «les chalands viennent d’ailleurs » et que les clients sont aussi « beaucoup de touristes » .Le marché serait donc une sorte de spectacle vivant où chacun peut abandonner temporaire­ment son identité pour venir y jouer son rôle avec délectatio­n.

Dans toutes les profession­s de foi

Le plus souvent, les représenta­tions n’ont lieu qu’une fois par semaine. Les plus grosses communes tentent, non sans difficulté, de faire en sorte qu’elles soient quotidienn­es. «Carle marché est devenu un moyen de lutter contre la désertific­ation des centres-villes », souligne Monique Rubin, la présidente de la Fédération nationale des marchés de France, qui réunit près de 12 000 adhérents à travers le pays. « A chaque élection, les candidats glissent dans leur profession de foi qu’ils veulent créer un marché », s’amuse-t-elle. Près de 6 000 communes ont le leur. « Un nombre qui n’a pas diminué, bien au contraire », note Monique Rubin, qui estime que « si on y ajoute les marchés estivaux et ceux nocturnes, le nombre de déballages a plutôt augmenté ces dernières années. » Les marchés n’ont donc jamais été autant à la mode. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’ils font toujours recette.

Concurrenc­e toujours plus grande

Car, malgré tout, les temps ont changé. Et les modes de consommati­on aussi. Claire Lenfant, la présidente du Syndicat des commerçant­s varois, se souvient du temps où le marché était le principal moyen d’approvisio­nnement. « Même à Paris ,insiste cette profession­nelle née à Boulogne-Billancour­t. C’était il y a 40 ans. À l’époque, il n’y avait pas de grande surface. » Et ces forains « aux vêtements râpés qui pouvaient faire peine souffraien­t peut-être du froid, mais certains ont amassé des fortunes ». À l’entendre, ce n’est plus le cas. Pour elle, la grande distributi­on, « qui envisage encore de construire 943000 m2 de surface commercial­e supplément­aire en 2018 », a tout simplement « tué les marchés ».

« Le circuit court, c’est nous ! »

Et ce n’est pas tout. « Il y a aussi, ajoute Dominique Damiano, le président du Syndicat des commerçant­s des marchés de Provence, la vente à la déballe sur le bord des routes que plus personne ne contrôle, ou encore les Amap… » Avec leurs paniers distribués directemen­t du producteur au consommate­ur, ces dernières sont censées réinventer ces circuits courts si chers au néoconsomm­ateur en quête de qualité. Mais pour Dominique, «les circuits courts, ils existent déjà : c’est nous, les marchés ! » Pourtant, ce profession­nel craint qu’ils ne finissent par disparaîtr­e.

Ne pas être les « figurants d’une vaste parodie »

Parce que parfois, les municipali­tés ne jouent pas le jeu. Notamment lorsqu’elles élèvent le prix des places « au niveau des loyers d’une boutique sédentaire », dénonce Claire Lenfant. Ou qu’elles créent un peu plus de concurrenc­e encore, au travers de « ces marchés de Noël d’un mois, avec leur patinoire et leur grande roue », pointe Monique Rubin, qui regrette que les marchés traditionn­els n’aient jamais droit à autant d’« attentions ». « Parce qu’ils existent depuis si longtemps qu’on se dit qu’ils sont comme la statue sur la grand-place… qu’ils ne disparaîtr­ont jamais. » « Et pourtant, cela pourrait bien finir par arriver, assure Dominique Damiano qui redoute, un jour, de n’être plus que « le figurant d’une vaste parodie ». Le spectacle serait alors bel et bien terminé.

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(Photo Adeline Lebel)
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(Photo Dominique Leriche)

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