Var-Matin (La Seyne / Sanary)

La colère des compagnes des détenus

- SONIA BONNIN sbonnin@varmatin.com

Douze jours que les prisons grondent. Douze jours que les surveillan­ts se mobilisent, chaque matin ou presque, pour crier leur colère devant l’insécurité qu’ils subissent en allant travailler. Désormais, c’est aussi depuis l’intérieur que la colère monte, et revient comme un boomerang. Hier après-midi, ce sont les proches de détenus qui étaient à la porte, fulminant de ne pouvoir accéder aux parloirs. Bahia vient de Nice, Meghann de Paris, Annie et Jacques de Normandie. Des heures et des heures de transport, de voyage. «Ils sont en grève, on peut le comprendre, lâche «la fiancée» d’un détenu, mais au moins qu’ils préviennen­t. Les frais de route, c’est pas eux qui les paient.»

«Même mon chien sort plus que moi»

D’autres sont beaucoup plus virulents. «On nous parle comme des chiens. On n’a même pas le droit de rentrer des sacs de linge, au moins des serviettes propres pour la douche.» Au téléphone justement, un détenu appelle. Sa compagne ne cesse de dire, «calme-toi». Il assure ne plus avoir de courant dans sa cellule. « Pas de parloir, pas de gamelle, pas de cantine, rien dans l’estomac depuis hier », affirme-t-il la voix rageuse. Il a 19 ans. Cela fait deux jours qu’il tourne en rond dans les 9m² qu’il doit partager avec deux autres détenus. « Même mon chien, il sort plus que moi.» Beaucoup de femmes ont attendu la fin de journée, dans l’espoir que quelques parloirs seraient possibles. En vain. Pour reprendre un autre rendezvous, les familles ont obtenu aux forceps l’ouverture des bornes qui délivrent les précieux sésames. Meghann va reprendre le train pour Paris et reviendra mardi prochain. «Je n’ai pas le choix, je suis pratiqueme­nt venue tous les dix jours depuis cinq mois.» Anxieuse, la gorge serrée, pour un compagnon qui «ne va pas bien du tout». Venir le voir, «c’est le minimum. Dedans, c’est pas tous des durs.»

CRS et gendarmes à l’intérieur

Hier en milieu de journée, les CRS qui avaient délogé les manifestan­ts du matin sont entrés dans la prison, pour participer à l’organisati­on d’un service minimum dans les coursives. «Faire l’appel, distribuer les repas, les médicament­s, le courrier », liste un surveillan­t, assurant qu’il y a eu «deux distributi­ons de repas, hier [mercredi]». Dans la prison, c’est le serpent qui se mord la queue. Les détenus qui travaillen­t en cuisine d’ordinaire, ne sortent plus de leur cellule. Tout est suspendu, le prestatair­e privé doit se débrouille­r. Les détenus ontils reçu, comme certains l’affirment, une boîte de thon et un morceau de pain? En fin de journée hier, de source syndicale, des gendarmes sont entrés à leur tour pour compléter les équipes à l’intérieur du centre pénitentia­ire. Les surveillan­ts qui n’ont pas pris leur service sont clairement sous la menace de sanctions. Mais c’est la base, qui est la plus virulente. Hier, un nouveau texte de négociatio­n était soumis aux agents pénitentia­ires. On saura ce qu’ils en pensent ce matin tôt. Au pied du mirador principal.

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(Photo Frank Muller) Familles vent debout à cause des annulation­s de parloirs de dernière minute, à la prison de La Farlède.

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