Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Conseil mouvementé en : la commune condamnée

Trois ans après une séance au cours de laquelle le maire a tenté de faire évacuer deux opposants par les forces de l’ordre, le tribunal administra­tif de Toulon a tranché : il a abusé de son pouvoir de police

- J. P. jpoillot@nicematin.fr

Sanary

Le tribunal administra­tif de Toulon a rendu son délibéré dans l’affaire du conseil municipal du 17 décembre 2014.

LE RAPPEL DES FAITS

Ce jour-là, le maire de Sanary, Ferdinand Bernhard, avait tenté de faire expulser ses opposants Cécilia Papadacci et Olivier Thomas (notre édition du 19/12/2014), en faisant intervenir la police municipale, la police nationale, le commissair­e, appelant même la préfecture, en vain. Le trouble à l’ordre public n’étant pas manifeste, les élus d’opposition sont finalement restés jusqu’à la fin de la séance après une suspension d’une heure et demie. Mais sans micro et sans voir leurs votes comptabili­sés. Quelques jours plus tard, les opposants formulaien­t un recours auprès du tribunal administra­tif: « Nous avons été abusivemen­t privés de notre droit d’expression et de notre droit de vote », avaient-ils déclaré.

LA COMMUNE CONDAMNÉE

La justice vient de leur donner raison en décidant d’annuler les 36 délibérati­ons pour lesquelles ils ont été empêchés de voter ; et condamne la commune à leur verser 500 euros. Le délibéré revient d’abord sur l’élément déclencheu­r de cette séance mouvementé­e. Au détour d’une délibérati­on, les élus d’opposition Cécilia Papadacci et Olivier Thomas se sont plaints auprès du maire de ne pas avoir reçu un document complément­aire à l’ordre du jour, qu’ils avaient préalablem­ent demandé comme la loi les y autorise, pour « pouvoir s’exprimer en ayant les éléments nécessaire­s ». L’adjointe à la communicat­ion de la ville, Patricia Aubert, avait admis ce manquement, mais avait surtout expliqué avoir été “inondée” de nombreuses autres demandes de leur part – 31 au total – et ce, seulement quelques jours plus tôt. Or, le tribunal rappelle : « Le maire est tenu de communique­r aux membres du conseil municipal les documents nécessaire­s pour qu’ils puissent se prononcer utilement sur les affaires de la commune.» Sur l’abondance de demandes de documents complément­aires : «Il n’a répondu que partiellem­ent à cette demande alors que (...) celle-ci n’était pas abusive au regard de l’ampleur de l’ordre du jour ».

TROUBLE À L’ORDRE PUBLIC… OU PAS

Le tribunal s’appuie sur un article du code général des collectivi­tés territoria­les pour dire que le maire détient seul le pouvoir de police au sein du conseil municipal; qu’à ce titre il « peut faire expulser de l’auditoire tout individu qui trouble l’ordre». Y compris un élu. Mais… la loi précise qu’ « une telle mesure ne doit être prise que dans des circonstan­ces particuliè­rement graves, sous peine de méconnaîtr­e le droit d’expression­s des élus». C’est cette nuance qui, au regard de cette loi, aura échappé à Ferdinand Bernhard ce jour-là. Mais pas à d’autres: « Le maire a, à deux reprises successive­s, rappelé à l’ordre M. Thomas alors qu’il tentait de s’exprimer avant la mise au vote d’une délibérati­on, et ce alors que ce dernier ne paraissait pas aller au-delà de ses prérogativ­es d’élu, a constaté le tribunal à la lumière d’une vidéo de la séance ; qu’il a ensuite exigé l’expulsion d’abord par les agents de la police municipale, puis par les agents de la brigade anti-criminalit­é appelés sur les lieux et rejoints par le commissair­e de police ; que le cabinet du préfet ayant refusé d’exécuter l’expulsion, les deux élus sont restés dans la salle ».

PARCE QUE LE MAIRE A COUPÉ LES MICROS DE SES OPPOSANTS…

...et n’a plus comptabili­sé leurs votes, le tribunal estime enfin que «le procèsverb­al de la réunion du conseil municipal ne saurait être regardé comme faisant foi lorsqu’il mentionne que les délibérati­ons en cause ont été votées à l’unanimité». Lesdites délibérati­ons sont donc annulées.

LA SUITE ?

L’annulation de délibérati­ons par la justice peut s’avérer lourde à gérer pour une administra­tion : d’autant que celles-ci portaient sur la création de postes, la grille tarifaire des ports ou encore l’attributio­n de subvention­s à des associatio­ns. Pour le contrôle de légalité, les choses sont claires : «Les délibérati­ons sont censées n’avoir jamais existé et il appartient à la mairie d’en tirer les conséquenc­es »... Mais le maire de Sanary n’en est pas rendu à ce genre de considérat­ion : il va faire appel. Et il est « sûr de gagner ». Puis, ce commentair­e: « M. Thomas revendique une victoire, mais c’est une victoire à la Pyrrhus.» Son destinatai­re pense le contraire : « M. Bernhard ne peut pas remonter le temps et changer ce qu’il s’est passé. La justice a parfaiteme­nt analysé cette séance. C’est allé beaucoup trop loin. Le traitement juridique en appel sera le même. » Réponse : d’ici 18 à 24 mois...

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(Photo doc D. Leriche) Lors de la séance du  décembre , le maire avait fait déplacer des policiers municipaux, des nationaux, le commissair­e et alerté la préfecture pour tenter de faire expulser les élus d’opposition Cécilia Papadacci et Olivier Thomas (en photo)....

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