Var-Matin (La Seyne / Sanary)

EURO  (DEMI-FINALE, FRANCE - ESPAGNE À H) Dip’ hip hip hourra

Depuis le début de l’Euro, l’arrière droit du SRVHB est considéré comme le patron de la défense des Experts. Adrien Dipanda se confie sur son rôle et ses nouvelles responsabi­lités

- Texte : Laurent Seguin Photo : Laurent Layris (MaxPPP) Détourage : Rina Uzan

L’univers de la petite balle collante a ceci de fascinant qu’un champion du monde et vice-champion olympique peut vous promettre de vous rappeler depuis Zagreb, où il dispute un championna­t d’Europe, et vous contacter comme convenu seulement trois heures avant de jouer un match pourtant décisif face à la Serbie. Un truc totalement impensable dans un autre sport dont le ballon ne tourne plus vraiment rond. Oui, vous savez, ce sport dans lequel on peut voir un arbitre exclure un joueur après avoir tenté de lui placer un croche-patte version cour d’école. Ce même sport dans lequel, du côté de Marseille, malgré trois coups de fil et quatre mails, on attend toujours qu’un attaché de presse daigne nous répondre cinq mois après avoir promis de traiter une demande d’interview concernant pourtant un joueur loin d’être débordé… puisque convalesce­nt. Mais allez, qu’importe. Après tout, Adrien Dipanda a choisi le handball et un peu comme la petite balle pégueuse adhère à sa main gauche, son attitude colle à l’image de ce sport décidément à part.

Da Silva pas surpris

Ici, nul besoin d’en passer par un attaché de presse aux promesses de gascon pour bavarder en toute décontract­ion avec un bonhomme qui promet de rappeler à 15 h 00 et fait sonner votre téléphone à 15 h 03. Au bout du fil, l’arrière droit du SRVHB se montre disponible. Adrien Dipanda a beau revêtir le costume de patron de la défense tricolore, il le porte avec élégance et simplicité. « Dans cette équipe, il faut toujours faire preuve de beaucoup d’humilité, annonce d’emblée celui que tout le monde surnomme « Dip’ ». On ne devient pas cadre de l’équipe de France en trois ans. » Oui, cela fait seulement trois ans qu’Adrien a fait ses premiers pas en bleu et le voilà aujourd’hui propulsé leader de la défense des Experts. « Ça ne m’étonne pas. Je ne suis pas surpris par sa capacité à assumer ses responsabi­lités, explique son entraîneur en club, Joël Da Silva. Le plus dur, pour lui, a dû être d’accepter d’être exclusivem­ent utilisé en défense. Car ce n’est pas son statut à Saint-Raphaël où, cette année, je lui ai demandé de marquer plus de buts. » « Paradoxale­ment, c’est l’année où je marque le plus que l’on me demande de gérer le

(1) secteur défensif en équipe de France. Mais on s’est retrouvé avec des blessés, alors il faut être polyvalent. Et puis la chance que j’ai, c’est que Didier (Dinard, le sélectionn­eur, Ndlr) a joué comme ça en club et sous le maillot de l’équipe de France, donc il peut me conseiller. » Des conseils qui semblent efficaces, puisque depuis le début de cette campagne européenne, la défense française tient bon, encaissant 31 et 30 buts contre la Norvège, puis la Serbie, mais seulement 27 contre des Croates qui jouaient pourtant leur survie, 26 face à l’Autriche, 25 contre la Biélorussi­e et surtout 17 contre la Suède. « On a la sensation d’être en place, et quand tu vois les Suédois, qui font partie des meilleurs shooteurs de la planète, commencer à douter au tir, tu te dis que tu es dans le vrai. » Saluée partout en France, et notamment à Saint-Raphaël où Joël Da Silva parle d’une « grosse performanc­e défensive contre la Suède », la solidité de l’arrière-garde tricolore fait sensation. «Peut-être que les médias en parlent, mais honnêtemen­t, je n’y fais pas attention, raconte Adrien. Je suis plus attentif aux retours de mes équipiers et quand on te dit : ‘‘On sait qu’on ne te voit pas trop et que tu es dans l’ombre, mais bravo’’, quand un type comme Nikola Karabatic vient te féliciter après un match, ou quand le gardien te remercie, tu sais que tout va bien. »

« Je ne fais plus vraiment partie des minots »

Oui Adrien, « tout va bien » pour les Bleus, qui savent qu’ils peuvent compter sur cette assise défensive qui construit leurs succès. « La défense, c’est la marque de fabrique de l’équipe de France, précise d’ailleurs le Raphaëlois. Tu peux perdre des matchs en attaque, mais tu les gagnes toujours en défense. » Une défense dans laquelle le joueur du SRVHB s’impose comme un leader naturel. « Il parle beaucoup, réajuste ses partenaire­s, on le voit discuter avec le gardien, avec Sorhaindo (le pivot et capitaine des Bleus, Ndlr), relève Joël Da Silva. Sur le terrain, il devient un cadre et je ne vois pas comment un patron de défense ne devient pas un cadre dans le vestiaire.» Un rôle qui ne lui monte pas à la tête. «Je n’ai pas manqué un seul stage avec les Bleus depuis trois ans, alors je ne fais plus vraiment partie des minots, note Dipanda. Mais tout ce qui compte, c’est que nous ramenions une médaille. » Cette breloque tant espérée, Adrien pourrait bien la ramener à la fin de la semaine si jamais la France s’imposait ce soir contre l’Espagne. Ça, on ne le sait pas encore. Ce que l’on sait déjà, en revanche, c’est qu’elle ne changera pas ce bonhomme simple et agréable. Oui, s’il est bien un sport que la médiatisat­ion, les succès et les médailles ne pourrissen­t pas, c’est le handball. Un sport qui avec des types comme Adrien n’est pas près de changer. Ouf, nous voilà sauvés. Car certains attachés de presse avaient quand même fini par nous faire peur.

Dans cette équipe, il faut toujours faire preuve d’humilité. On ne devient pas cadre de l’équipe de France en trois ans”

1. 52 buts en 13 matches de Starligue, soit une moyenne de 4 buts par match (contre 2 sur ses 195 matches en carrière).

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