Le Toulonnais qui avait donné sa fille jugé pour enlèvement parental
Épilogue. Il y a un peu plus de deux ans, à Toulon, l’histoire de cette famille franco-algérienne avait défrayé la chronique (1). Il était apparu, en marge d’une enquête ouverte pour « violences conjugales », qu’un nouveau-né avait été arraché à sa mère Mounia (2), en 2012, afin de combler le désir d’enfant du frère et de la belle-soeur de Lakhdar, père du bébé et mari violent. Enfin, à partir d’août 2015, Mounia avait été privée de ses trois autres filles, confiées par leur père Lakhdar à leurs grandsparents de l’autre côté de la Méditerranée. L’oncle et la tante de la quatrième enfant ont également dû se résoudre à y laisser, à la demande de Lakhdar, celle qu’ils considéraient depuis trois ans et demi comme leur propre fille.
Un mariage arrangé en Algérie
Cet « enlèvement parental » sonnait alors comme un moyen de pression alors que Mounia avait dénoncé les violences dont elle était victime. Et qu’elle entendait se séparer de l’homme qu’elle avait épousé, en 2005, dans le cadre d’un mariage arrangé en Algérie. « Chez nous le divorce, c’est vraiment quelque chose d’énorme », témoigne Mounia, à la barre du tribunal correctionnel. Lakhdar comparaissait ce vendredi pour « soustraction d’enfants et rétention hors de France ». Le prévenu a tenté de justifier le départ précipité pour l’Algérie, ce 20 août 2015, alors qu’il sortait de garde à vue dans le cadre de la procédure pour « violences conjugales ». « Je ne savais pas où était ma femme… » Les fillettes, qui devaient faire leur rentrée à Toulon, avaient été scolarisées en Algérie. Et Lakhdar avait même lancé une procédure judiciaire dans ce pays pour contraindre Mounia à réintégrer le domicile conjugal… La famille paternelle des quatre filles n’avait consenti à les rendre à leur mère qu’en décembre 2015, alors que Lakhdar, revenu seul à Toulon en septembre, était en prison (3).
Une épouse occidentalisée
« Son épouse a, au contact de la société française, connu une évolution – elle s’est occidentalisée – qui l’a poussée à s’affranchir », décrit Me Eric Houillot, l’avocat de Lakhdar. Lui ne se serait pas sorti d’un schéma familial « toxique »où « l’image du père, autoritaire, laisse peu de place aux autres membres de la famille», selon un résumé d’une expertise psychologique. « Il a réagi dans un contexte de panique dans un couple en pleine explosion », plaide son défenseur. Deux ans après les faits, le climat semble apaisé. « Nous y avons tous contribué», se félicite Me Houillot en se tournant vers l’avocate de Mounia, Me Caroline Ladrey. Mounia a obtenu le divorce, la mère de Lakhdar lui a « trouvé » une nouvelle épouse et le couple qui avait « adopté » la quatrième fillette a eu son propre enfant. « Je suis passée à autre chose, explique Mounia , aujourd’hui on mène une vie tranquille, même avec le père (qui bénéficie d’un droit de visite et d’hébergement, Ndlr) ça marche bien .» Tenant compte de la situation, le tribunal, présidé par Patricia Krummenacker, a condamné Lakhdar à quinze mois de prison avec sursis. 1. Nos éditions du 5 septembre 2015 et du 9 janvier 2016. 2. Les prénoms ont été modifiés. 3. Les violences conjugales lui ont valu une peine de prison ferme.