Var-Matin (La Seyne / Sanary)

«Dans mille ans, pourquoi

Guy Gilbert, surnommé «le prêtre des loubards», est aussi celui des ados en déroute. Depuis la Bergerie de Faucon, dans les gorges du Verdon, il parle de tout: des prisons, des djihadiste­s, de religion. Et de la force de l’amour

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La Bergerie de Faucon est construite dans les Alpes-de-HauteProve­nce, aux portes du Var, à quelques kilomètres au nord de Trigance, entre Rougon et La Paludsur-Verdon. C’est là, au coeur des gorges du Verdon, que le père Guy Gilbert accueille, héberge, forme, aide et accompagne des jeunes entre 13 et 16 ans en déroute complète. Bien loin de ces banlieues dont il est le curé emblématiq­ue. Une réinsertio­n qui peut durer jusqu’à deux années pour cette poignée d’enfants placés là par un juge, par l’aide sociale à l’enfance, s’ils ont été abandonnés, ou la protection judiciaire de la jeunesse, s’ils ont commis des délits. Avec le père Gilbert, toute une équipe d’éducateurs occupe l’exploitati­on. Pour convertir leurs jeunes pensionnai­res à de nouvelles règles de vie, ils s’appuient sur la présence d’animaux, une centaine, des bêtes de la campagne comme de plus exotique. Ce n’est pas un zoo, mais un espace de travail. La zoothérapi­e comme outil de resocialis­ation. Téléphone en main, au volant d’une Jeep Willys vert armée, qui lui rappelle peut-être ses années de séminarist­e pendant la guerre d’Algérie, habillé d’un bas de treillis camouflé, d’un blouson en jean et d’une doudoune, le « prêtre des loubards » a l’air d’un vieux baroudeur, sur la terrasse de cette ancienne ruine restaurée au fil des années depuis 1974. Le prêtre au célèbre blouson noir qu’il «met moins souvent, car les gens le reconnaiss­aient avant de voir mon visage », a tant vécu qu’il a bien des choses à dire.

Où sommes-nous ?

Ici, la méthode des éducateurs repose sur trois fonctions principale­s : vivre un puissant amour fraternel, responsabi­liser et faire confiance. Depuis quarantetr­ois ans, nous prenons des jeunes qui n’ont aucune règle sauf la leur. C’est chaque fois un championna­t de leur dire : « On accepte certaines de tes règles, mais tu vas apprendre les nôtres. » Deux heures de téléphone portable par semaine, coucher  h , lever  heures, petit-déjeuner à  heures et  h  devant la ferme pour faire les bêtes. Si tu arrives à  h , tu es sanctionné. Nous avons des réussites magnifique­s. Nous avons aussi des échecs avec ces jeunes qui ont été foutus à la porte de partout. Ils détestent les gens, ils aiment énormément les animaux. Notre outil de travail, c’est la zoothérapi­e.

Quelle place avez-vous ?

Je quitte Paris pour venir tous les mois quelques jours à Faucon ( fois depuis ) et je participe à la réunion des éducateurs-pensionnai­res. Les jeunes sont jugés sur leur comporteme­nt, et ensuite ils jugent les éducateurs en disant ce qu’ils pensent : ils se jugent ensemble. Ils sont payés  € et on peut leur donner jusqu’à  € s’ils se tiennent bien. Un pécule que l’on garde pour eux et qu’on leur donne quand ils s’en vont. À leur arrivée ils me considèren­t comme un éducateur, puis un père, un frère ensuite et un ami après de longues années.

Votre avis sur la prison ?

J’ai visité  prisons en Europe. Le conflit actuel, je le vois venir depuis trente ans. J’ai écrit un livre qui est toujours d’actualité Les jeunes y entrent, des fauves en sortent. Je dénonce le fait que l’on mette dans dix mètres carrés trois prisonnier­s ou plus. Cela ne fait qu’un peu plus enrichir la violence qu’ils ont depuis tout-petits. Les prisonnier­s ont besoin d’affection, de gens qui les aident et qui les poussent à retourner dans la vie. Pour ce qui est des surveillan­ts, c’est le seul métier où il n’y a pas de vocation. C’est dramatique car ils tombent dans un bain de violence. La prison, c’est un manque de liberté, d’accord, mais surtout il manque l’espérance. Concernant les jeunes radicaux, il faut les isoler absolument, de façon à ceux qu’ils ne puissent pas contaminer les autres au nom d’une religion qui bafoue l’islam en tuant des innocents.

Que faire des djihadiste­s qui veulent revenir en France ?

Le célibat est une très belle chose ”

C’est un problème qui appartient à l’État, pas à l’Église. Il y a le danger mortel de voir revenir en France des hommes imprégnés par l’horreur de tuer des innocents. Il faut essayer de leur enlever cette monstruosi­té qui les habite. S’ils deviennent humains, qu’ils reviennent parmi nous.

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