Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Corse : Macron l’équilibris­te

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« Accepter leurs revendicat­ions actuelles mettrait un terme à l’indivisibi­lité de la République. »

Le déplacemen­t de deux jours qu’entreprend, aujourd’hui en Corse, Emmanuel Macron est beaucoup plus délicat que tous ceux qu’il a déjà effectués à travers le pays ou à l’étranger. Y mettre en oeuvre sa théorie du « en même temps » ne sera, en effet, pas si simple. Il va pourtant s’y employer. On le voit bien avec le choix de la date retenue : le chef de l’Etat, dès ce mardi, commémore le vingtième anniversai­re de l’assassinat du préfet Claude Erignac, lâchement abattu dans le dos à Ajaccio le  février . Cette célébratio­n est importante car elle démontre la volonté du Président de rappeler son attachemen­t au respect de l’autorité de l’Etat dans cette île qui la conteste. Hier par la violence, à présent par la voix de ses représenta­nts autonomist­es et indépendan­tistes à la tête de la collectivi­té territoria­le unique. Ils ont rappelé leurs revendicat­ions ce samedi à l’occasion de la manifestat­ion organisée avant la venue du Président pour lui démontrer que les Corses sont derrière eux : une modificati­on de la Constituti­on pour y inscrire noir sur blanc la spécificit­é de la Corse et la reconnaiss­ance de la langue corse au même titre que le Français, la création d’un statut de résident, un regroupeme­nt et une amnistie des prisonnier­s corses, l’assassin du préfet Erignac inclus, etc. Autant d’exigences difficiles à conjuguer avec le « en même temps macronien ». Faut-il rappeler que l’article premier de la Constituti­on décrète que la République est indivisibl­e. Certes, cela ne signifie pas uniformité mais les Corses entendent en fait être les seuls maîtres de leur champ de compétence­s et disposer d’attributio­ns qui appartienn­ent à l’Etat. Accepter leurs revendicat­ions actuelles mettrait un terme à l’indivisibi­lité de la République. Le chef de l’Etat, au fond, ne peut rien céder sur l’essentiel à des hommes qui affirment que leur île est une nation. Sauf à s’exposer à une grave crise de souveraine­té. Il a habilement théorisé un droit à la différenci­ation pour mener des expérience­s mais avec une ligne rouge : le respect de la souveraine­té nationale. Il lui faut donc donner un contenu précis à cette idée girondine encore floue. C’est l’enjeu de ce déplacemen­t et de cette épreuve corse sur laquelle tous ses prédécesse­urs ont échoué. Périlleux travail d’équilibris­te !

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