Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Patrick Baqué, fils de médecin varois et doyen de la fac de Nice

Ce chirurgien viscéral qui cultive les corps et son corps vient d’être réélu doyen de la fac de médecine de Nice. Sa famille - des médecins - est installée à St-Raphaël depuis 50 ans !

- LAURE BRUYAS lbruyas@nicematin .fr

ampal, c’est le centre Archimed. Benchimol a obtenu des postes au ministère. Que laissera Baqué ? », interroge un médecin du CHU de Nice. La question est perfide. Mais elle résume la charge de doyen: l’homme doit être un bâtisseur ou un politique. Patrick Baqué, tout juste réélu pour un deuxième (et dernier) mandat, n’est ni l’un ni l’autre. Il a battu le gastro-entérologu­e Xavier Hébuterne en 2013, puis le professeur Philippe Paquis le 17 janvier dernier. On lui prête des ennemis jurés dans ce petit monde de batailles secrètes, de tractation­s feutrées et d’inimitiés tenaces. Lui se tient loin des luttes intestines. Du moins, le dit-il. Il prend garde aussi à éviter les chausse-trappes de la politique. «La médecine n’est ni de droite ni de gauche, c’est peut-être ce qui me distingue de mon prédécesse­ur [le professeur Benchimol qui fût un temps adjoint de Christian Estrosi]…», glisse Patrick Baqué. On l’a vu au meeting de la candidate LREM Caroline Reverso Meinietti, l’avocate qui a taquiné Ciotti sur ses terres aux législativ­es ? «Je suis juste venu répondu à une question sur le numerus closus », évacue le doyen. Estrosi s’est fendu d’un tweet de félicitati­ons pour sa réélection? Il balaie la question d’un revers de main prudent: «Je pense avoir d’aussi bonnes relations avec Christian Estrosi qu’avec Eric Ciotti. L’université a ce devoir de déconnecti­on des réseaux. La politique, la religion, les francs maçons n’y ont pas leur place. La liberté de penser est un trésor ».

Médecine non convention­nelle

Sans parti pris, Baqué joue sa carte. Il a pour lui un CV impeccable – anatomiste de renom, chirurgien viscéral formé à Nice par des pointures comme les professeur­s André Bourgeon ou Henri Richelme– et un soutien de poids : celui des étudiants qui ont largement contribué à sa réélection. Il a surtout un mental de gagneur, la force de l’ex-sportif de haut niveau qu’il a été dans les années 90, tâtant du rugby avec Philippe Buchet et Jeff Tordo ou s’embarquant sur la Coupe de l’América avec le voileux Marc Pajot en 1992. Il a gardé de cette époque une hygiène de vie au cordeau: jogging, muscu, jeûne pour entretenir son corps de géant qui défie la cinquantai­ne. Sans tambours ni trompette, Baqué impose une véritable révolution à la fac avec son observatoi­re de médecine non convention­nelle. Ça fait opère aux urgences de Pasteur 2. Et surtout il enseigne. Avec quelque chose de paternalis­te pour ses étudiants. Quelque chose du père. Son père. Son modèle. « Il était médecin à Saint-Raphaël. Il aimait ses patients. Le soir, il nous racontait des histoires de médecine. Ma mère était pharmacien­ne. C’était le ciment de la famille ». Une famille de quatre enfants – trois garçons, une fille – tous devenus médecins. Lui-même a trois fils, dont l’un suit la voie. «On a de la chance de faire ce métier. C’est un métier d’altruisme, d’affect, un métier très chargé. Je pense que j’en ai la même vision que mon père… ».

« La mort enseigne la vie»

Il la transmet à ses étudiants. Leur apprend que le « savoir-être est aussi important que le savoir-faire: on ne s’habitue pas à annoncer un cancer à un patient. Il faut le faire avec le plus d’humanité possible ». Il leur dit, comme son père avant lui : « La mort fait partie de la vie, elle enseigne la vie en nous fournissan­t des cadavres à disséquer». Il leur apprend surtout « le goût de l’effort » et « le doute qui est un moteur ». On devine l’exigence qu’il s’applique à lui-même en voyant le tableau noir encombré de croquis de cerveaux à la craie sur le mur de son bureau. La pièce est sobre, presque impersonne­lle, un bureau, un coin canapé. Sur les rayonnages, le serment d’Hippocrate, une photo de l’Île d’or, «le paradis de son enfance», un vieux Goldorak, son «idole» de petit garçon, une peluche de Caliméro, un tableau de son père, une réplique de chaises bleues offerte par un patient… Qui est-il quand il ferme la porte de son bureau, quand il range son scalpel ? Difficile à savoir. Patrick Baqué est un « pudique », tout juste concède-t-il un goût pour la randonnée, un bouquin sur Marie Curie sur sa table de chevet… Comme si être médecin suffisait à tout définir, tout remplir. Et dans 10 ans, comment se voit-il? «J’espère vivant, si Dieu me prête vie. J’espère toujours opérer, soigner et enseigner… »

Le premier objectif est de lutter contre le charlatani­sme »

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(Photo Cyril Dodergny)

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