Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Tuée en pleine rue à Nice : dix-huit ans de réclusion

Gil Semedo, 56 ans, a été reconnu coupable hier de meurtre aggravé. Il avait abattu, en mai 2015, son ex-compagne Maria José

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Àl’heure des plaidoirie­s, après trois jours et demi de débats, Me Pascal De Souza, avocat des parties civiles, brandit le dessin de Julien. L’enfant de huit ans en avait cinq le soir où il a vu sa mère abattue en pleine rue de quatre balles de 6,35 mm. Sa maman est représenté­e les bras en croix telle une suppliciée. Le rond à ses côtés ? La mare de sang dans laquelle gisait Maria José Mendes, devant le 23 de la rue d’Angleterre, à Nice, le 3 mai 2015 vers 21 heures. L’enfant avait demandé à l’avocat des crayons de couleur. Il avait spontanéme­nt reproduit la scène du crime. Me De Souza est l’avocat de l’associatio­n Acte Pelican, l’administra­teur qui a la charge de Julien et de Gilson son demi-frère. Gilson est doublement victime : il a été privé de sa mère dans ces circonstan­ces tragiques. Son père est en prison pour longtemps. Il a été condamné hier soir à dix-huit ans de réclusion criminelle, peine assortie d’une interdicti­on définitive du territoire.

« Une exécution »

Gil Semedo, 56 ans, excompagno­n de Maria José, était parti un mois au Portugal. Elle venait de déposer plainte contre lui pour violences. Le jour de son retour à Nice, il a tiré à quatre reprises. « Je ne vais pas dire aux enfants : papa a tiré sur maman parce qu’il a tremblé », ironise Me De Souza, en paraphrasa­nt l’accusé, se moquant de ses explicatio­ns farfelues. Gil Semedo n’arrive pas à regarder en face la réalité de son geste. Me De Souza parle d’un « dominant blessé dans son ego par une jeune femme gentille, enjouée, magnifique qui voulait retrouver sa liberté ». Une mère qui « jusqu’au dernier instant, cherche à protéger ses enfants ». L’avocate générale Emilie Taligault évoque dans son réquisitoi­re «une scène de crime digne d’un règlement de compte. Une exécution ». Rien à voir avec un orage passionnel, un geste de colère dans le huis clos familial. « Les quatre tirs sont rapprochés. Trois balles dans la tête. Un carton plein. Parler d’accident est outrageant pour la mémoire de cette femme et pour ces enfants. » La magistrate insiste sur la plainte du mois de mars 2015, pointant son index sur l’accusé : « Cette plainte pour viol et violences est prémonitoi­re. Cette femme, qui ne lui appartient plus, ne doit appartenir à personne d’autre. » Outre trente ans de réclusion, l’avocate générale demande la déchéance de l’autorité parentale et l’expulsion du meurtrier à l’issue de sa peine. Maria José Mendes, tuée devant ses enfants pour avoir voulu retrouver sa liberté.

« Mon client ment bêtement »

Me Jean-Louis Paganelli se désolidari­se de son client… pour mieux le défendre. « Voyez comme mon client ment bêtement, comme ses réponses sont imbéciles », fait-il remarquer aux jurés. « Pourquoi en est-il arrivé à cet acte horrible ? Ce n’est pas lui qui nous a aidés à trouver la réponse mais l’audience. » « Fruste » ,« illettré », Gil Semedo n’est pas pour autant un tueur capable de recommence­r, ont estimé les experts. La défense cite Danny Borgogno, psychologu­e : « La blessure narcissiqu­e était tellement forte qu’il ne peut la

guérir qu’en supprimant celle qui l’a causée.» L’avocat s’appuie aussi sur les conclusion­s bienveilla­ntes du Dr Saget, psychiatre : « Il suffit très souvent d’un rien pour qu’il rompe parce c’est un chêne, pas un roseau. » Me Paganelli donne au président Véron les réponses que son client, taiseux, n’a pas su apporter. « Quand il dit, j’ai tiré sans faire exprès. Il dit en réalité : j’ai fait quelque chose de plus fort que moi. Cette expression populaire est au coeur d’un drame. » Pour la première fois, Semedo le macho, Semedo le costaud, fond en larmes.

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(DR)

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