Les aventures de Casanova entre Toulon et Menton
Le 9 octobre 1779. La guerre d’indépendance des États-Unis fait rage. Les Américains sont opposés aux Anglais. Les Français volent au secours des premiers. En 1778, une escadre est partie de Toulon, commandée par l’amiral Henri d’Estaing. Le 9 octobre 1779, donc, alors que se déroule le siège de Savannah au sud des États-Unis, les troupes américaines de Benjamin Lincoln renforcées par les soldats et marins français du comte d’Estaing, décident d’assaillir la ville. La canonnade britannique est intense. Un boulet atteint l’amiral d’Estaing aux jambes. Il s’écroule. Il va mourir. C’est alors qu’au péril de sa vie, un marin sort sous le feu, charge d’Estaing sur ses épaules et le met à l’abri des tirs ennemis. D’Estaing est sauvé. Le marin, âgé de 27 ans, sera nommé, plus tard, chevalier de l’Ordre royal de Saint- Louis.
Apprentissage naval à Toulon
Qui est ce jeune héros ? Un marin nommé Laurent Truguet. Il est né à Toulon en 1752, fils de Jean-François Truguet, chef d’escadre et major général au port. C’est à Toulon qu’il fait son apprentissage naval, entrant à 13 ans dans la « Garde-marine » qui, installée dans cette ville, correspond à ce qu’on appelle aujourd’hui l’« École navale ». Il est vite nommé «garde du pavillon », titre donné aux meilleurs élèves de chaque promotion, ce qui lui permet de naviguer à bord de l’ Hirondelle , commandée par le célèbre savant toulonnais Joseph Bernard de Chabert, et de le suivre dans ses campagnes de relevés scientifiques en Méditerranée. En 1770, ce n’est plus la marine scientifique mais la marine de guerre qui le sollicite. Il participe au bombardement de Tunis et de Bizerte, mené par la marine française pour venger les actes de piraterie en Méditerranée. Après avoir sauvé d’Estaing en 1779, il poursuit son action dans la guerre d’indépendance des États-Unis aux côtés d’un autre grand capitaine issu de notre région, l’amiral de Grasse. Il est alors lui-même blessé dans les Antilles lors de la bataille navale de l’île de Saint-Christophe qui fut remportée par les Français et opposa le 25 janvier 1782 la flotte de l’amiral de Grasse à celle de l’amiral anglais Hood dans le but de s’assurer la suprématie dans cette partie de l’Océan Atlantique. Il est blessé une seconde fois lors de la bataille des Saintes, toujours dans les Antilles, qui, le 12 avril suivant, oppose dans le même but la flotte de l’amiral de Grasse aux Anglais de l’amiral Rodney mais voit cette fois-ci la victoire des Anglais. Il est alors rapatrié en France.
Une idylle avec la soeur de Napoléon
En 1792, remis de ses blessures, il reçoit le commandement des forces navales de la Méditerranée et participe à la prise de Nice et de Villefranche lorsque l’armée française révolutionnaire décida d’envahir et d’occuper le comté de Nice pour le rattacher à la France. Passant par la Corse, il noue une idylle avec Elisa Bonaparte, soeur de Napoléon, de 25 ans sa cadette. Amours sans lendemain. Napoléon veille sur les fréquentations de ses soeurs ! Ayant critiqué publiquement le Comité de Salut public, il est emprisonné. Renversement de situation en 1795 : soutenu par le membre du Directoire Paul Barras, natif de Fox-Amphoux dans le Var – ex redoutable commissaire de la Révolution qui se montra d’une grande cruauté dans ce département - il est libéré et nommé ministre de la Marine. Il restera deux ans à ce poste, s’efforçant de faire respecter dans les colonies l’abolition de l’esclavage décrétée en 1794. En 1804, nouvelle disgrâce. Il a désapprouvé l’instauration du 1er Empire. Il perd ses titres et sa Légion d’honneur. Il lui faudra attendre cinq ans pour être réhabilité et – mieux – être nommé Grand croix de la Légion d’honneur par le roi Louis XVIII. Charles X le nomme amiral de France. Son nom est inscrit sur l’Arc de Triomphe à Paris. Il est mort à 84 ans dans la capitale. Une rue à Toulon, perpendiculaire aux boulevards de Strasbourg et de Tessé, porte son nom. Il est l’un de nos grands marins français.