Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Les Toulonnais révolution­naires avant l’heure

- NELLY NUSSBAUM

Thyde Monnier, née à Marseille le 23 juin 1887 d’un père banquier et d’une mère corsetière, s’est éteinte à Nice le 18 janvier 1967 comme le titre Le Provençal du 19 janvier 1967 : « L’écrivain Thyde, qui vivait retirée depuis plusieurs années à Nice, est décédée hier dans la propriété qu’elle habitait à Cimiez. Elle était âgée de 79 ans. » Si, à cette époque, elle fait les gros titres, son souvenir s’est aujourd’hui estompé. Elle est l’auteur de nombreux ouvrages, romans, essais, nouvelles et d’une étonnante biographie, Moi .Elley proclame, d’une manière très crue, que la libération de la femme doit commencer par sa libération sexuelle. Il lui faudra deux maris, deux divorces et de nombreux amants pour s’épanouir avec sa différence. Toutefois, bien qu’elle estime que « la domination du mari dans le ménage met l’épouse sous l’éteignoir », elle va successive­ment suivre ses époux, représenta­nts en tissus pour l’un, et en armes de chasse pour l’autre, dans leurs déplacemen­ts profession­nels sur les routes de France. Deux époux dont elle subira les violences.

Nue dans la fontaine de Solliès-Toucas

Dans les hôtels où elle passe de longues heures solitaires à attendre ses époux, s’ébauchent ses futurs romans. En 1927, elle quitte son premier mari, mais continue à fréquenter de petits hôtels sur la côte. Ainsi, entre 1927 et 1930, on la croise à SollièsTou­cas où elle se baigne nue, aux petites heures du matin, dans la fontaine de la place du village. Au Lavandou, elle profite de la mer, vêtue des premiers maillots légèrement échancrés. Le décor rural de la vallée du Gapeau dans le Var et les rues citadines de Nice donnent naissance à la vaste fresque des Desmichels . Entre l’arrière-pays niçois et les Alpes s’inscrivent les cinq tomes de Franches Montagnes . Sans oublier le village d’Allauch qui lui inspire Peu soucieuse de conformism­e, injustemen­t oubliée aujourd’hui, Thyde Monnier, (ici à l’entrée de sa maison de Cimiez, à Nice), a pourtant reçu le prix de l’Académie française pour l’ensemble de son oeuvre.

La Rue courte, son premier roman publié en 1936, alors qu’elle a déjà 49 ans.

Amoureuse de Jean Giono

Pour vivre, elle écrit pour des revues féminines La Femme de France, L’Art de la mode, Les Dimanches de la femme. Ainsi, elle va interviewe­r les écrivains qui ont une résidence sur la Côte d’Azur, notamment Henry Barbusse, dont elle partagera un temps les idées «communisan­tes» et l’antimilita­risme. Au mois d’avril 1930, elle se pose à Menton. Elle y retrouve André, un ancien amant, de 15 ans son cadet. Il deviendra son second époux. À Manosque, elle rencontre Jean Giono qui sera pour elle un amour secret, car non partagé. C’est lui qui va l’encourager à envoyer le manuscrit de La Rue courte à un éditeur. C’est aussi chez lui qu’en 1940, elle rencontre un jeune homme de 18 ans – 35 de moins qu’elle – qui deviendra quelques années plus tard son « grand amour » : c’est le futur romancier Pierre Magnan. En 1941, elle quitte son second mari pour vivre le grand amour avec lui.

L’Oiseau chanteur période niçoise

Elle est désormais une romancière reconnue. La rédaction de Nans le berger qu’elle avait débuté dans un hôtel de Saint-Raphaël en janvier 1940, sera terminé à Nice, quelques années plus tard. En 1943, elle participe à l’écriture et assiste au tournage, entre Marseille et l’arrière-pays, de Ma bonne étoile avec Fernandel en personnage principal. Plus tard, son livre Nans le Berger, paru en 1941, sera adapté pour une série télé, très populaire, qui sera diffusée à partir de mai 1974 sur la première chaîne de l’ORTF. Lorsque Pierre Magnan la quitte en 1950, elle s’installe à Nice, sur les hauteurs de Cimiez. Elle a alors 53 ans. Elle s’offre une belle propriété qu’elle baptise L’Oiseau chanteur. Un paradis de verdure et de fleurs où elle mène une vie plutôt mondaine recevant des amis et admirateur­s, qui, jusqu’à sa fin, lui resteront fidèles. Et où elle prend encore de nombreux amants. Plusieurs distinctio­ns lui sont décernées, notamment le prix de l’Académie française pour l’ensemble de son oeuvre. Sollicitée en 1953 pour succéder à Colette à l’Académie Goncourt, elle refuse, préférant rester à Nice. Et c’est là, dans son domaine à Cimiez, qu’elle s’éteindra à près de 80 ans.

Sources: «Thyde Monnier, auteure provençale très oubliée» ; «Délit d’images», magazine de la culture alternativ­e et «Thyde Monnier, un monstre sacré» de Pierre Magnan et «Moi» autobiogra­phie.

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(Photo DR) (Photo DR) (Photo DR) Elle a terminé sa vie dans son havre de paix L’Oiseau chanteur, à Nice. La maison est aujourd’hui propriété privée. Dans sa retraite de Cimiez, Thyde s’essayait à la peinture.

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