Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« J’ai été battu, vendu et torturé »

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Yaya a déjà connu l’exil, la torture et la survie. Comment et pourquoi ce jeune de 18 ans a quitté sa Guinée natale pour se retrouver aujourd’hui au fin fond du Var ? Le jeune homme a tenu à raconter son histoire parce que, dit-il, « le monde doit comprendre pourquoi tous ces migrants arrivent en Europe ».

« Mon père est décédé quand j’avais 14 ans. Il était musulman, ma mère chrétienne. Cette situation ne plaisait pas à certains membres de la famille. Voilà pourquoi je suis parti, un peu pour des raisons religieuse­s. Ça fait plus d’un an que j’ai quitté Conakry, la capitale de la Guinée. Au décès de mon père, j’ai été élevé par mon oncle maternel. Il m’interdisai­t d’apprendre, de faire mes devoirs. Puis, il me répétait que j’étais un enfant bâtard. Ces injures ont fini par m’énerver. Je n’avais pas le choix, je devais quitter le pays. Je voulais suivre les consignes de mon papa : partir pour étudier… » « Pour quitter la Guinée, j’ai pris un taxi avec des amis qui étaient un peu plus âgés que moi. Et voilà comment je me suis retrouvé au Mali… La traversée du désert a duré cinq jours. Puis, pour passer du Mali à l’Algérie, on nous a fait monter dans un gros 4x4 qui appartenai­t à des Arabes. On était dans le coffre fermé. Mais on a été attaqués en route par les bandits du désert, qui nous ont pris tout notre argent, nos téléphones et tout ce qu’on avait à manger. Ils nous ont juste laissé un peu d’eau et on nous ont finalement laissés partir, 15 km après la frontière algérienne, dans le désert… »

À six dans le coffre de la Mercedes

« Arrivé en Algérie, j’ai travaillé pendant trois mois en tant que manoeuvre. On donnait le ciment aux maçons pour construire des maisons. Cela nous a permis de payer la nourriture et le transport. Mais le plus difficile a été d’arriver en Libye. C’est là que j’ai commencé à avoir des difficulté­s… » « Pour rentrer en Libye, on nous met dans le coffre d’une voiture. Nous, c’était une Mercedes. On peut mettre six à sept personnes dans le coffre. Et sur la banquette arrière où les gens s’assoient normalemen­t, ils mettent dix personnes. Les vitres sont fumées donc on ne voit rien à l’intérieur. J’ai remarqué que chacun est le chef de son secteur. Si le mec nous délivre à un autre, il lui paie alors l’argent. Nous, on nous a fait payer 500 euros par personne pour aller jusqu’en Italie, mais ça ne s’est pas passé comme prévu… » « J’ai fait sept mois en Libye, dans cette prison. Ils me demandaien­t d’appeler mes parents pour qu’ils envoient de l’argent. Mais je leur ai dit que je n’avais pas de parents. Ils me frappaient. J’ai gardé les cicatrices. Et au bout d’un moment, on m’a vendu à un vieux monsieur pour travailler. Après quelques semaines, je suis tombé malade. Donc il m’a dit que je n’avais plus rien à foutre chez lui… » « Pour passer de la Libye en Italie, on est montés dans un petit bateau (un semi-rigide). Nous sommes partis à minuit de Sabratha et sommes arrivés vers 7 heures de matin dans les eaux internatio­nales. Nous étions 145 personnes à bord de ce petit bateau. On a tous peur de mourir dans ces conditions, mais on n’a pas d’autre choix. On préfère mourir dans l’eau plutôt que de se laisser torturer… » « Je ne m’attendais pas à vivre tout ça. Si j’avais su à quoi ressemblai­t ce voyage, je ne l’aurais pas fait. Un jour, j’aimerais rentrer dans mon pays, après mes études. Il y a deux domaines qui m’intéressen­t : la médecine et la télécommun­ication. Si je donne tous ces détails, c’est pour expliquer aux gens qui je suis et d’où je viens. Car j’ai rencontré beaucoup de personnes qui se demandent pourquoi il y a tout cet afflux migratoire en Europe ».

Voir l’intégralit­é du témoignage en vidéo sur varmatin.com

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Yaya a fui la Guinée, il y a un an, avant d’arriver à Brignoles, où il a trouvé une famille d’accueil.

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