Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Des cours de français pour les mineurs isolés

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Les chiffres fluctuent sans cesse mais on parle de « croissance exceptionn­elle ». Dans le Var, on compte près de 400 mineurs non accompagné­s. Pour éviter qu’ils restent livrés à eux-mêmes, des associatio­ns comme le Secours catholique se mobilisent pour leur apporter une aide juridique et leur dispenser des cours de français. On a rendez-vous à la paroisse Saint-Vincent de Paul à Toulon, où l’associatio­n dispose d’un local pour accueillir les jeunes migrants. Yacouba, Barsha et Ibrahima viennent

(1) de s’installer dans une petite salle, au calme, en compagnie de Laurent, l’un des bénévoles de l’associatio­n. Au programme du jour : l’apprentiss­age du français. Laurent a sorti « Mon premier Scrabble ». « L’idéal », dit-il, pour apprendre en douceur. «Un “J” pour faire “jupe”. C’est ça. La jupe, c’est pour les filles », glisse Barsha, tout fier d’avoir compris le truc. Chacun leur tour, les élèves placent leurs lettres sur le plateau, sous le regard bienveilla­nt de leur professeur. On se croirait dans un cours de soutien comme un autre. Le caractère religieux de l’affaire n’est pas vraiment palpable. Personne, en effet, ne semble prêter attention aux croix en bois et autres posters de la Vierge Marie accrochées au mur en guise de déco.

Les bénévoles s’adaptent

« On vient ici pour progresser en français et s’adapter plus vite», dit Yacouba, 16 ans, veste à capuche sur le dos, le crâne parfaiteme­nt tondu. Lui qui est né en Côte d’Ivoire n’a « jamais été à l’école ». Ça ne l’empêche pas de parler un français déjà très correct. « J’ai appris dans la rue », glisse-t-il d’un sourire timide. Barsha, lui, vient du Bangladesh. Il sait déjà lire et écrire, mais dans sa langue d’origine. Alors, il a sa technique bien à lui pour mémoriser chaque mot étudié. Ainsi, le jeune homme partage-t-il toujours les feuilles de son cahier en trois colonnes. « Il écrit d’abord en phonétique, ensuite en bengali et enfin en français », décrypte Laurent, un peu épaté par la méthode. « Car le problème, analyse-t-il, c’est que certains sont allés à l’école alors que d’autres n’y ont jamais mis les pieds. » Les bénévoles sont obligés de s’adapter. La plateforme Montety a ouvert en fin d’année dernière. Les mineurs non accompagné­s s’y rendent trois fois par semaine. Contrairem­ent à leurs aînés de plus de 18 ans, eux ne sont pas soumis aux règles de séjour des étrangers. Ils peuvent donc séjourner en toute légalité en France jusqu’à leur majorité, sous la couverture de l’Aide sociale à l’enfance (ASE).

L’appétit d’apprendre

« On est surtout là pour répondre à trois demandes, recadre de son côté Patrice Fougerat, animateur à la délégation du Var du Secours catholique. D’abord, leur apprendre le français, ensuite les faire rencontrer d’autres jeunes de leur âge, et enfin, leur proposer d’autres activités, surtout sportives. Car le problème de ces mineurs, poursuit-il, c’est qu’ils sont livrés à eux-mêmes. La grande difficulté pour eux, c’est qu’ils sont disséminés un peu partout dans des hôtels à travers le départemen­t. » Tous sont âgés de 13 à 17 ans. « Mais pour arriver ici, précise Patrice Fougerat, ils ont vécu les mêmes difficulté­s que les adultes ». Autrement dit, eux aussi se sont retrouvés à la merci des passeurs et des trafiquant­s pour rejoindre l’Europe au péril de leur vie. Arrive Abdoulaye, 16 ans. Habillé d’un combo jean-chemise des plus classiques, le jeune homme est « heureux » de retrouver les potes. « L’avantage ici, constate-t-il, c’est qu’on se fait des amis. C’est dur d’avancer quand on reste dans l’hôtel ». Ce qu’il attend aujourd’hui, c’est de pouvoir intégrer «une formation en apprentiss­age». Son objectif dans la vie : « Passer un diplôme pour conduire des gros camions ». « Quand on voit l’appétit d’apprendre qu’ils ont, ça nous fait dire qu’on ne s’est pas trompés, optimise Clémence Gagelin, animatrice à l’associatio­n. On le voit aussi bien dans l’apprentiss­age du français que lorsqu’il est question de jouer au foot ou de participer à des ateliers de théâtre. » Patrice Fougerat invite même la population à venir les rencontrer. Lui reste persuadé que « cela peut aider à changer les regards, au lieu de véhiculer des idées à la con ou des préjugés ». Et de rappeler : «Il n’y a pas un de ces jeunes qui vient ici de gaieté de coeur. Il faut mettre un nom et une histoire sur ces gens-là avant de les juger sans savoir. » 1. Leur prénom a été modifié.

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En plus des cours de français , l’associatio­n propose aussi une assistance juridique aux jeunes.
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Le Secours catholique de Toulon accueille les jeunes de  à  ans.

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