Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« Il faut penser au-delà de l’urgence »

- Jean-François Ploquin

Que disent les chiffres de demandes d’asile en France ?

On constate une augmentati­on très nette depuis . On a atteint le nombre de   demandes d’asile en France en   (dont   premières demandes). Donc les besoins en hébergemen­t ne font que croître…

Que pensez-vous de la loi immigratio­n présentée ce mois-ci par M. Collomb?

Nous sommes clairement opposés sur certains points. Si le gouverneme­nt a notamment annoncé la création de places supplément­aires en centres d’accueil, ces mesures doivent être mises en oeuvre rapidement. On a besoin d’un système d’accueil plus solide, plus pérenne. Mais, il y a aussi la question de l’éloignemen­t. Nous trouvons que ce n’est pas raisonnabl­e de faire passer la durée de rétention de  à  jours, pour des résultats sujets à caution. Les lieux de rétention ne sont pas faits pour des longs séjours.

Comment sortir concrèteme­nt de cette crise migratoire ?

Le système est trop défaillant. Il faut essayer de penser au-delà de l’urgence… C’est sûr : il n’y a pas assez de places actuelleme­nt pour accueillir tout le monde. On a besoin d’un système plus fluide, avec moins de maillons qui ralentisse­nt ces procédures d’asile. La loi prévoit normalemen­t que quelqu’un qui se manifeste à la préfecture soit reçu dans les trois jours. Mais certains peuvent attendre plus d’un mois et rien n’est prévu pour leur hébergemen­t. Le guichet unique a aussi besoin de moyens humains suffisants.

Les durées d’instructio­n des dossiers sont souvent jugées trop longues…

C’est le deuxième point sur lequel on peut progresser. À la base, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est censé traiter les dossiers en  mois. Dans les faits, on est plus sur  mois. Le gouverneme­nt souhaite baisser cette durée à  mois donc on attend de voir…

Comment expliquez-vous les tensions que génère l’arrivée des migrants, comme cela a été le cas à Pierrefeu et Tourves l’an dernier, ou plus récemment à La Londe-lesMaures ?

Il y a une réelle ambiguïté chez les citoyens français. D’un côté, on constate qu’il existe un énorme potentiel d’accueil, et de l’autre, qu’il existe aussi un gros potentiel d’inquiétude. Or, on ne peut pas conduire une opération d’ouverture d’un site sans pédagogie. Cela fait aussi partie de notre boulot d’expliquer pourquoi ces gens sont là, comment ils ont vécu, et comment ils vont être pris en charge.

Mais les enjeux sont aussi politiques…

Oui, on l’a vuà Pierrefeu et à Tourves l’an dernier, où il y a eu une réelle instrument­alisation politique. On a vu des gens très hostiles au projet qui venaient de loin. J’étais là à la réunion publique à Tourves. Les habitants étaient partagés. Mais, il y aura toujours ceux qui sont venus foutre le bazar. C’est du classique.

Finalement, ces expérience­s se sont plutôt bien passées ?

Ce que l’on observe dans  % des cas, quand des centres d’hébergemen­t ouvrent, c’est qu’au bout de quelques jours, les gens voient que ça se passe bien. Et au bout de trois mois, ils ont oublié que les migrants étaient là. C’était le cas à Tourves et à Pierrefeu.

Mais il y aura toujours de la crainte chez certains ?

La difficulté avec les gens qui sont dans la crainte, c ‘est qu’on ne peut pas leur donner de garanties. Alors qu’au final, il y a toujours de belles histoires. Mais pour que les gens soient plus ouverts, il faut aussi expliquer ce qu’un Afghan ou un Centrafric­ain vient faire chez nous. Il faut aussi expliquer la guerre, les dictatures. En France, on ne sait plus ce que c’est aujourd’hui, alors qu’en juin , il y a aussi eu des millions de Français jetés sur les routes. Notre pays a lui aussi connu l’exil, la fuite… Mais ça, on ne l’a plus dans notre chair.

Il faut expliquer pourquoi ces gens sont arrivés là et comment ils ont vécu... ”

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