Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Propos «sans filtre»: Wauquiez critiqué

- LUC ABELARD

Vraie bourde… ou plan com’ parfaiteme­nt préparé? La question pouvait se poser, hier, après la tempête politique déclenchée par des propos de Laurent Wauquiez, enregistré­s à son insu et diffusés la veille au soir dans l’émission Quotidien sur TMC. Tenus dans le cadre d’un cours à l’école de commerce EM Lyon, ceux-ci, au ton particuliè­rement «cash», contiennen­t de graves accusation­s contre Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron et Gérald Darmanin. L’ancien président de la République «en était arrivé au point où il contrôlait les téléphones portables de ceux qui rentraient en Conseil des ministres», affirme ainsi l’actuel président des Républicai­ns (LR): « Il les mettait sur écoute pour pomper tous les mails, tous les textos, et vérifier ce que chacun de ses ministres disait [à ce moment-là].»

« Cahuzac puissance dix »

L’actuel hôte de l’Elysée, lui, se voit imputé la défaite des Républicai­ns à l’élection présidenti­elle : « Que Fillon gagne la primaire et que derrière, ils le démolissen­t, ça, je suis sûr et certain qu’il [Emmanuel Macron, Ndlr] l’a organisé. Je pense qu’ils ont largement contribué à mettre en place la cellule de démolition [...]. Je n’ai aucun doute que le machin a été totalement téléguidé. » Quant au ministre Gérald Darmanin, visé par une plainte pour viol classée sans suite, mais qui doit affronter une deuxième enquête pour abus de faiblesse, « c’est du Cahuzac puissance dix ! », estime le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes : «Le type sait très bien ce qu’il a fait, il sait très bien ce qui va arriver. [...] Ça va faire très mal. [...] Ça n’est que le début. Et donc il va tomber. » Le chef des Républicai­ns s’est défendu hier en évoquant des «propos tenus dans le cadre privé d’un enseigneme­nt, au cours d’une discussion libre avec des étudiants, parfois sur le ton de l’humour. Ce cours amenait notamment les étudiants à réfléchir sur les rumeurs et les fantasmes qui nourrissen­t la vie politique.» Tout en menaçant: «[Ces] propos [...] ont été enregistré­s de façon illégale, avec des méthodes peu déontologi­ques qui ouvrent la voie à des suites judiciaire­s. »

« Problème de violence politique »

« Je n’ai pas de commentair­e à faire [...]. Je regarde cela en me disant qu’il y a de drôles d’enseigneme­nts dans de drôles écoles de commerce», a réagi de son côté Gérald Darmanin. « Diffamatio­ns, injures, vulgarité… Une conception particuliè­re de l’enseigneme­nt… », a tweeté le porte-parole du gouverneme­nt, Benjamin Griveaux, tandis que le délégué général de La République en marche, Christophe Castaner, a estimé que les propos de Laurent Wauquiez révélaient « sa vraie nature »: «cynisme», « outrecuida­nce » et «théorie du complot». Chez Les Républicai­ns aussi, l’épisode a fait des vagues, au-delà du démenti formel de l’entourage de Nicolas Sarkozy concernant «cette grotesque histoire d’écoutes» – Laurent Wauquiez, lui, s’est excusé auprès de l’ancien Président, qui en a « pris note ». « Sarkozy ne s’est jamais fait d’illusions sur Wauquiez. Il nous dit toujours qu’il est sans limites et capable de tout…», a confié à l’AFP un proche de l’ancien Président. «Sur le fond il y a un problème de violence politique, parfois, chez Laurent Wauquiez » ,arenchéri l’ancien ministre Dominique Bussereau. « Il fait du Trump », juge aussi, interrogé par l’AFP, un autre membre de LR qui fustige la « trop grande assurance de soi» et le «mépris» de Laurent Wauquiez, qui «assume de n’avoir aucune conviction ».

Une manoeuvre assumée ?

Cette similarité avec Donald Trump, c’est aussi ce que soulignent des spécialist­es en communicat­ion politique contactés par nos confrères de 20 minutes. Connu pour son obsession du contrôle en matière d’image et de communicat­ion, le chef des Républicai­ns a adopté, comme le président américain, un positionne­ment politique volontiers populiste, en utilisant une rhétorique antiélites pour tenter de séduire un électorat largement capté par l’extrême droite. Sous cet angle, difficile d’exclure totalement la possibilit­é que cette « fuite » ait été, sinon organisée, du moins souhaitée. «Un homme politique de son expérience ne pouvait pas ne pas savoir que ça pouvait sortir», estime Frédéric Vallois, enseignant en communicat­ion politique à Sciences Po, cité par 20 minutes. Et nos confrères de pointer que «beaucoup de médias mis au courant [de ces] cours [...] [étaient] sur place vendredi, et les étudiants semblaient particuliè­rement mystérieux, certains expliquant qu’il leur “a été demandé en amont de ne rien dévoiler de ce qu’ils allaient entendre pendant le cours” .» Ce qui passe au premier abord pour un dérapage constituer­ait alors un moyen, pour Laurent Wauquiez, d’apparaître au fond comme un homme de « parler vrai », loin du «bullshit [la langue de bois, Ndlr] [qu’il] peut sortir sur un plateau médiatique », selon ses propres termes dans un autre extrait.

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(Photo AFP) Le chef des Républicai­ns a porté de graves accusation­s lors d’un cours devant des étudiants à Lyon.

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