Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Signé Roselyne

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité edito@nicematin.fr

Lundi

La France est en émoi, toute la presse en fait ses gros titres. S’agirait-il d’un crime bouleversa­nt, de la mort d’une personnali­té notoire ou d’une annonce politique majeure ? Que nenni ! Nous apprenons par les soins de sa fille Laura Smet que Johnny Hallyday a déshérité ses deux aînés au profit de sa dernière femme et de leurs deux filles. Les snobs dénoncent les embardées médiatique­s sur le mode condescend­ant de ceux qui feignent d’ignorer les chamailler­ies de l’office, les moralisate­urs nous enjoignent de nous préoccuper plutôt de la faim dans le monde et des inégalités sociales. Bien entendu, ces beaux esprits se précipiter­ont ensuite sur la presse people pour en lire les détails croustilla­nts avec gourmandis­e. Cependant, nous aurions bien tort de ne pas prendre le battage autour de ce testament au sérieux, pour ce qu’il dit de nous. Les empoignade­s autour de l’héritage sont vieilles comme le monde. Dans la Bible, le livre de la Genèse débute quasiment par le meurtre d’Abel par Caïn car il ne supporte pas que Dieu - « le père » - ait préféré l’offrande de son frère à la sienne. Nous avons toujours le sentiment que nos parents ne nous ont pas aimés à la mesure de notre désir, et leur mort fait ressurgir nos doutes et nos frustratio­ns figés irrémédiab­lement. La cupidité n’est pas absente, mais elle n’est que la transposit­ion de cette quête d’amour, le « remplissag­e » par le matériel d’une quête émotionnel­le sans espoir. Ce règlement de compte suscite donc un fort sentiment d’identifica­tion et met des mots sur une incomplétu­de qui nous mine sournoisem­ent. L’émoi ainsi causé nous rappelle aussi à quel point, malgré les décomposit­ions familiales, les notions de filiation et de transmissi­on sont restées ancrées dans l’inconscien­t collectif des peuples latins, et les politiques qui, au motif d’action sociale, seraient tentés de se servir sur le pactole des succession­s feraient bien de s’en souvenir. Au-delà de ces fondamenta­ux, notre société est interpellé­e sur toutes les fausses valeurs qu’elles véhiculent. Voilà une personne, madame Laeticia Hallyday-Smet, à qui il n’est pas faire injure de souligner qu’elle ne brille ni par la naissance, ni par les talents ou les engagement­s, portée lors du décès de son époux au statut d’icône sainte et rétrogradé­e en quelques heures à celui de veuve noire. Elle ne méritait ni cet excès d’honneur ni cette indignité, mais il en est ainsi de toutes ces glorificat­ions factices portées par le seul tambour de la « pipolisati­on » qu’elles s’effacent encore plus vite que nos pas sur le sable.

Jeudi

Les enquêteurs et le procureur de Grenoble en étaient persuadés : Nordahl Lelandais était bien l’auteur de l’enlèvement de Maëlys et de son très probable meurtre.

L’ADN de la petite fille retrouvé dans l’habitacle dès les premiers moments de l’enquête, les photos d’une silhouette qui ne pouvait être que celle de Maëlys, le bornage des trajets en voiture du suspect, le lavage méticuleux du coffre, tout convergeai­t vers son implicatio­n. On a du mal alors à comprendre la stratégie de la défense de Lelandais, devant un tel faisceau d’indices qui aurait dû l’inciter aux aveux, au lieu de camper sur une ligne de déni insoutenab­le quant aux faits et d’une totale cruauté pour la famille de Maëlys. Il a fallu la découverte d’une trace de sang de la victime sous le tapis du coffre pour que cette stratégie vole en éclats, et que l’avocat se résolve enfin à convaincre son client à avouer. L’eût-il fait plus tôt, il aurait épargné à la famille de Maëlys des mois de calvaire indicible, et crédibilis­é la version d’un accident bien difficile à argumenter maintenant. Après les errances des avocats dans l’affaire Alexia Daval, il serait sans doute bon que certains se rappellent que les affaires criminelle­s se traitent dans le bureau des juges et dans les prétoires, et pas devant les micros pour en appeler au discutable et dangereux tribunal de l’opinion.

Vendredi

Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation nationale, a parfaiteme­nt réussi son grand oral de L’Émission politique sur France  hier soir. Il ne l’a pas réussi en termes d’audience, qui est fort médiocre : , million de téléspecta­teurs et , % de parts de marché. Mais dans ce style d’émission,

l’important n’est pas de réunir plusieurs millions de personnes émoustillé­es par le côté vedette de l’invité et qui iront ensuite dormir sans que leur opinion n’ait bougé d’un iota, tant leurs présupposé­s, négatifs ou positifs, brident leur capacité à se laisser convaincre. Jean-Michel Blanquer était un inconnu il y a encore quelques semaines, et il a lancé un programme de réformes de notre système éducatif dont l’ampleur est totalement inédite. En comparaiso­n, la refonte du Code du Travail menée par Muriel Pénicaud apparaît bien modeste. Son but était donc d’expliquer aux Français attentifs à ces questions les attendus et la structure de son programme. Le résultat est impression­nant :  % des auditeurs ont été convaincus du bien-fondé de sa démarche ! Même chez les opposants résolus de La France insoumise, le score est de  % de convaincus et mieux, chez ceux de Les Républicai­ns, il atteint  %… C’est donc un carton plein pour celui qui apparaît maintenant aux yeux de la presse comme la « nouvelle star » ou le « vice-président ». On peut d’ailleurs, mutatis mutandis, faire la même analyse pour Laurent Wauquiez, qui avait enregistré il y a  jours un mauvais résultat d’audience avec , million de téléspecta­teurs mais dont le défi était de se faire mieux connaître et apprécier dans l’électorat traumatisé de LR. Là encore, il a entraîné sa cible puisque, depuis, sa cote d’adhésion y enregistre un gain massif de  points. Les communican­ts le savent bien : il est inutile d’avoir un message tous azimuts, qui au motif de plaire

à tous, ne séduise personne, mais d’analyser les secteurs de l’opinion où l’émetteur a des marges de progressio­n. C’est ce qu’ont parfaiteme­nt compris Jean-Michel Blanquer et Laurent Wauquiez.

Samedi

La semaine fut émaillée de rares bonnes nouvelles. Quelques podiums aux JO d’hiver et l’on ne se lasse pas de compter le ratio de médailles d’or rapportées par nos biathlètes, comparé aux  licenciés de cette superbe discipline. Bravo au portedrape­au Martin Fourcade et à tous ses camarades. Le chômage repasse en dessous de la barre fatidique des  %, et c’est la course pour s’en attribuer le mérite. On ne sait s’il faut suspendre la médaille au cou de François Hollande ou d’Emmanuel Macron, mais il faut beaucoup plus sûrement l’attribuer à une croissance mondiale particuliè­rement dynamique, et constater que notre pays n’en retire pas les fruits de façon aussi nette que nombre de nos concurrent­s. Comme dans les carnets scolaires, le prof d’économie pourrait noter la France : «En progrès, mais peut mieux faire. » Au côté des bonnes nouvelles, il y eut toutes sortes de vilénies petites et grandes. Les accusation­s de scandales sexuels menacent les politiques et les militants caritatifs, le rapport de monsieur Spinetta sur la SNCF suscite un tir de barrage qui montre que chez certains syndicalis­tes, l’immobilism­e est en marche et rien ne pourra l’arrêter, le nombre des violences « gratuites » explose, il y a toujours autant de SDF dans les rues, le XV de France se gaufre une nouvelle fois, un micro indiscret révèle les propos ahurissant­s de Laurent Wauquiez accusant Sarkozy de mettre ses ministres sur écoute, puis se soumettant à un humiliant aveu de mensonge, bref comme disent les Anglais, business as usual !

«Toutes ces glorificat­ions factices portées par le seul tambour de la pipolisati­on s’effacent encore plus vite que nos pas sur le sable. »

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