Roman-photo
Quand on dit roman-photo, c’est le magazine Nous Deux qui vient à l’esprit. Pourtant, il n’est pas le seul à l’avoir utilisé. Né dans l’eau de rose, le roman-photo a peu à peu investi les genres comique, satirique, politique, littéraire et même pornographique. À Marseille, une exposition au Mucem en retrace toutes les formes et les aventures : ses débuts en Italie en , puis en France en ; ses années dans Hara-Kiri, avec le professeur Choron et Gébé ou Wolinski ; sa période ciné-roman, à laquelle Belmondo participe quand il « joue » À bout de souffle, d’après le film de Godard. Ciné-roman qui sera publié en épisodes dans le Parisien libéré, à partir de . Johnny Hallyday, Gérard Lanvin, Coluche et bien d’autres ont contribué à ses succès que Marie-Charlotte Calafat, met en lumière dans ce livre, qui est aussi le catalogue de l’exposition dont elle est co-commissaire.
Qu’est-ce qui a motivé Johnny Hallyday à jouer dans les romans-photos ? Il y avait sans doute des arguments multiples pour une vedette naissante à faire du roman-photo. Le premier, c’est que c’était relativement bien payé. Le deuxième, c’est que cela participait à faire une publicité énorme à cette vedette naissante. Donc, effectivement, Johnny Hallyday s’est prêté au jeu, et ensuite bien d’autres comme Sylvie Vartan, Mireille Mathieu. Pour d’autres comme Dalida, qui était déjà assez reconnue, cela contribuait à leur visibilité médiatique.
Une bulle papale a-t-elle vraiment condamné le roman-photo ? La plupart du temps, les intellectuels, les communistes, les catholiques s’accordaient à dire que le roman-photo était un genre mièvre, qui pouvait annihiler les masses. C’est pourquoi dans l’exposition, et dans le catalogue, on donne un extrait de la bulle papale de Jean XXIII en . En parlant entre autres de journaux qui « se moquent de la vertu et justifient le vice », il dénonce le roman-photo. Il y avait énormément de controverses. On le montre aussi à travers des extraits du Cheik Blanc, ce film de Fellini de . Dans cette satire, il y a l’idée que les lectrices sont naïves ou de mauvaises filles.
Le roman-photo n’a-t-il pas aussi servi Balzac et Coluche ? Le réalisateur Raymond Cauchetier, a fait par exemple, un roman-photo de La Cousine Bette, de Balzac. Il y voit l’occasion de faire reconnaître les chefs-d’oeuvre de la littérature française. C’était une vague de romans-photos qui plaisait beaucoup. Coluche, lui, répondait à l’actualité sous forme de roman-photo. Dans Les pauvres sont des cons, qui paraît chaque semaine dans Charlie Hebdo entre et , il pouvait prendre la figure d’un patron, d’un président de la France-Afrique, d’un pape pour essayer de faire écho à ce qui se passait. Hara-Kiri s’était emparé du genre quelques années avant.
Peut-on encore en lire des romans-photos ? Oui. Par exemple, dans le magazine Nous Deux, largement associé à l’histoire du roman-photo en France, on en trouve encore deux ou trois par semaine. Mais pas seulement. Il perdure également sous des formes diverses, pas forcément dans un genre à l’eau de rose mais aussi dans des genres comique, satirique, esthétique, politique. Dans les années , le roman-photo a connu un succès phénoménal. Un Français sur trois lisait du roman-photo. C’était , million de lecteurs. Roman-photo, sous la direction de Frédérique Deschamps et Marie-Charlotte Calafat, co-édition Textuel et Mucem, 35 euros. Exposition au Mucem jusqu’au 23 avril.