Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Maria Ferreira, ex-Miss en mode reconquist­a

Samedi 27 janvier, Maria Ferreira Gomes et son comité couronnaie­nt la première Miss Provence Méditerran­ée de l’histoire, à Ollioules. Rencontre avec une ancienne Miss qui a reconquis sa fierté

- SIMON FONTVIEILL­E sfontvieil­le@nicematin.fr

A chaque fois que je me voyais dans le miroir, j’avais l’impression que ce n’était pas mon reflet ”

Alors là, vous avez une paire de saï, les longs couteaux qu’utilise l’héroïne du film Elektra », détaille Maria Ferreira Gomes en sortant les armes blanches de leur étui. Avant de poursuivre : « Ici, un nunchaku, et là deux tonfas, des matraques utilisées aujourd’hui par la police. » Posé au milieu du salon aux murs immaculés, le carton déborde d’armes japonaises. Toutes utilisées dans le kobudo, un art martial inventé sur l’archipel d’Okinawa… Qui aurait pensé, en allant interviewe­r la présidente du comité Miss Provence - Méditerran­ée dans une mignonne petite résidence du Cap Brun, débarquer dans le repaire des Tortues Ninja ? « J’ai pratiqué jusqu’à quatorze heures d’arts martiaux par semaine quand j’étais au lycée, sourit la doctoresse ès podiums et tatamis. Du taekwondo d’abord, puis du kobudo. Ça me permettait de m’évader de mes complexes, d’oublier mes surnoms, comme “sac d’os”... »

Superficie­l ?

À 31 ans, la jeune femme originaire du Cher semble avoir porté le coup de grâce à ses hantises de lycéenne et transmis l’amour de la grâce charnelle aux Varois. Le 27 janvier dernier, près de cent cinquante personnes s’étaient pressées à l’Octopus, une salle des fêtes d’Ollioules, pour assister à la première élection de Miss Provence - Méditerran­ée (nos éditions précédente­s). Une cérémonie visant à distinguer, après un processus de sélection de plus de six mois dans lequel se sont bousculées plusieurs dizaines de candidates, la fille la plus glamour d’une zone allant de SaintCyr au Lavandou. Le tout monté de toutes pièces par Maria et ses acolytes… Surtout, n’allez pas dire que ce genre de concours de beauté est superficie­l. «Beaucoup de personnes voient les shows de Miss comme ça, mais c’est parce qu’ils se cantonnent aux retransmis­sions télés, rétorque la boss des pin-up de la rade. Ce ne sont pas des plantes

vertes ! Les Miss s’investisse­nt dans des oeuvres caritative­s, on leur fait passer des tests de culture générale… Au niveau social, ce concours permet de fédérer des personnes de milieux très différents. Et les jeunes femmes y participan­t gagnent confiance en elles, s’ouvrent aux autres. » Pourtant, si Maria défend aujourd’hui avec fougue le monde des Miss, il n’en a pas toujours été ainsi. Pour comprendre comment une férue du nunchaku est devenue une mordue des défilés, il faut rembobiner le film jusqu’au début des années 2000. Maria a alors une quinzaine d’années, est accro au jeu vidéo Tomb Raider et a abandonné la gymnastiqu­e rythmique. Elle s’est lancée avec passion dans les arts martiaux –« J’avais lu que le taekwondo faisait fureur à Hollywood ! »–quandla balle de baseball, qui va modifier le cours de sa vie, croise son nez… « Lors d’un cours d’EPS, je reçois cette fameuse balle en plein visage, glisse Maria. Mon nez est alors brisé et avec le choc, une bosse se crée… » Si la mésaventur­e est plutôt cocasse et peut prêter à sourire, elle va traumatise­r l’adolescent­e manquant de confiance en elle. « Tout le lycée était au courant. Des pestes se sont mises à m’appeler “nez de sorcière”. J’avais l’impression que tout le monde fixait mon nez… » Débute alors, pour cette Cyrano du XXIe siècle, un long combat. Si les armes et les combats japonisant­s lui servent de refuge, c’est à travers la mode, découverte grâce à une amie parisienne, que la reconquist­a va s’opérer. « En terminale, je vois une annonce chez un coiffeur. Ils cherchaien­t des mannequins pour défiler. Je me dis “pourquoi pas ?”», confie la Berruyère.

Plastic power

Elle passe le casting à Orléans, monte à Paris, défile à deux pas de l’Opéra Garnier dans des robes de créateurs. «Je n’ai pas fini sur le podium, mais cette expérience m’a permis de faire abstractio­n de toutes les moqueries… » La mode, son côté « avantgardi­ste et original », les jurys et les étoffes chatoyante­s deviennent ses meilleurs alliés. Mais en 2011, la jeune Berrichonn­e, alors en poste dans une agence de voyage parisienne, décide de retrouver son « nez de petite fille »etde régler définitive­ment le compte de son appendice bosselé en ayant recours à la chirurgie esthétique. « À chaque fois que je me voyais dans le miroir, j’avais l’impression que ce n’était pas mon reflet. Sans compter que j’avais une narine complèteme­nt bouchée qui n’arrêtait pas de me faire ronfler ! » Reste à regagner totalement confiance en soi… Ça tombe

bien, voilà que se lance la première édition de la compétitio­n de Miss Plastic. La condition pour y participer : avoir eu recours à la chirurgie esthétique ou réparatric­e. « Je m’inscris quand je vois passer l’annonce sur le site Castprod… Et je termine première dauphine! C’est à partir de ce moment que je me suis rendue compte que je n’avais plus besoin d’avoir peur du regard des autres, que j’ai pu reprendre une vie normale… » Descendue à Toulon, la plastic girl fonde son comité de Miss en 2017, après avoir cogité trois ans sur le sujet. Et compte bien faire bénéficier les jeunes femmes de la rade des bienfaits des shows de beauté. Et a bien l’intention de donner quelques coups de katana dans l’univers corseté des Miss. « Aujourd’hui, beaucoup de critères de beauté pour concourir à Miss France sont calqués sur les mannequins. On ne rencontre pas ces filles dans la rue, lâche la samouraï en talons aiguilles. Dans notre concours, nous n’avons pas de conditions de poids ou de taille. On accepte aussi des filles tatouées, avec des piercings… » La prochaine édition de Miss Provence - Méditerran­ée est d’ailleurs en préparatio­n. «Le but, c’est de s’étendre territoria­lement.» Maria s’arrête, pensive… Avant de conclure : «Et de briser les stéréotype­s de beauté ! »

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(Photos Valérie Le Parc et Robin Voyer )
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