Philippe Langenieux-Villard : « Wauquiez est une menace »
L’actuel patron LR lui avait demandé de l’aide pour « conquérir la région Auvergne-Rhône-Alpes ». Quelques années plus tard, le maire d’Allevard (Isère), qui a rendu sa carte LR, sort un livre accablant
Élu de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Philippe LangenieuxVillard a accompagné Laurent Wauquiez dans sa conquête du pouvoir. Désormais, il se démarque de celui qu’il considère comme « dangereux » en publiant un livre accablant (1), paru mi-janvier, sur les méthodes du nouveau patron des Républicains.
Que vous inspirent les propos tenus par Laurent Wauquiez à ses étudiants ?
Ça confirme tout ce que j’ai pu constater : il est de plus en plus dangereux pour la droite. C’est un langage de brutalité, de vulgarité, qui dessine une stratégie mortifère pour notre famille politique.
On entend dire qu’il s’agirait là d’un coup de com’ maîtrisé...
Je n’y crois pas une seconde. C’est plutôt la manifestation de l’arrogance de quelqu’un qui se sent grisé par les événements, avec notamment ces deux récentes victoires aux législatives.
Pourquoi avoir pris la plume contre lui ?
J’ai ans, je suis élu depuis , j’ai été viceprésident de la région pendant ans, j’ai présidé le groupe qui s’était opposé à l’accord entre Charles Millon et le Front national, et je n’ai pas changé. Alors quand je vois la dérive droitière du discours de Laurent Wauquiez, l’outrance qu’il manifeste à l’égard du président de la République, la réduction de la pensée de droite à la sécurité et l’immigration, je me dois de réagir. Parce que la première des lâchetés en politique, c’est de se taire, et que la plupart des décisions absurdes qui ont été prises dans l’histoire l’ont été à cause du silence. L’un des dangers avec Laurent Wauquiez, c’est la mithridatisation, cette accoutumance au poison, qui fait que l’on s’y habitue. C’est ainsi que la République de Weimar a donné naissance à Hitler, que le Brexit l’a emporté en Grande-Bretagne et que Trump a été élu. À force d’outrances acceptées, on finit par admettre des choses inacceptables. J’ai donc estimé qu’il était nécessaire de lancer l’alerte.
Pourquoi maintenant, alors que vous le côtoyez depuis ?
Au moment où l’élection régionale a eu lieu, il y avait deux candidats possibles : Michel Barnier et Laurent Wauquiez. Ma préférence allait au premier, mais il n’en avait peut-être pas vraiment envie et le projet de Laurent Wauquiez tenait la route. Surtout, son dynamisme incitait vraiment à le suivre. Je le connaissais assez peu, mais il était étiqueté droite sociale, ce qui m’allait bien. Enfin, il ne faut pas oublier qu’il est très talentueux.
Mais alors que s’est-il passé ?
Il y a eu un point de bascule pour moi lorsque la Région a décidé unilatéralement de réduire la subvention allouée à la Maison des enfants d’Izieu (). Cela s’est produit six mois après l’élection de Wauquiez, alors que les choses se passaient plutôt bien. Je n’ai absolument pas compris ce choix. Je l’ai fait savoir. Et à partir de là, les choses se sont dégradées. Et puis quand vous entendez dans l’hémicycle régional, au moment de la discussion budgétaire, le Front national dire à Laurent Wauquiez « Bienvenue chez nous » ,ilyaquand même de quoi s’inquiéter, non ?
Ce livre n’est-il pas une vengeance ?
Non, non. Même si, c’est vrai, nous avons eu un différend sur mon investiture aux législatives (). Mais mon propos, c’est de parler de cette dérive autoritaire.
Quelle « menace » représente-t-il exactement selon vous ?
Une menace pour la République. C’est pourquoi je veux lancer un message qui consiste à dire : « Attention ! Si demain cet homme prétend aux plus hautes fonctions, il n’en a ni les qualités ni le discours. » 1. Le Dangereux, 141 pages, 14 €. 2. Le mémorial de la Maison d’Izieu, dans l’Ain, perpétue le souvenir des enfants et des adultes juifs qui y ont été raflés le 6 avril 1944 puis déportés vers Auschwitz. 3. Laurent Wauquiez avait dans un premier temps refusé de soutenir l’investiture de Philipe Langenieux, avant de se raviser. éditions Philippe Rey,