Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Quatre morts dans une avalanche

Seuls le guide et une femme ont réchappé au drame survenu hier dans les Alpes-Maritimes. Il s’agit de l’avalanche la plus meurtrière de l’hiver en France. L’enquête est en cours

- Texte : Christophe CIRONE Stéphanie GASIGLIA et G. P. Photos : Frantz BOUTON

C‘est aux confins des AlpesMarit­imes, et à l’aube du mois de mars, qu’est survenue l’avalanche la plus meurtrière de l’hiver en France. Deux hommes et deux femmes tués, une rescapée sous le choc et leur guide, indemne, placé en garde à vue pour tenter de comprendre. Tel est le bilan de l’effroyable drame survenu, hier à la mi-journée, sur la commune d’Entraunes, aux portes du Mercantour. Hier, alors que la nuit tombait sur la haute vallée du Var, l’important dispositif de secours achevait de se désengager. Et les circonstan­ces qui ont préludé à l’accident se précisaien­t peu à peu.

■ Quatre victimes lors d’une sortie à ski

L’avalanche a frappé à 12h45 un groupe de six randonneur­s à ski: un guide de haute-montagne accompagné de trois femmes et deux hommes. Le groupe évoluait dans le secteur d’Estenc, en direction du col de la Cayolle (situé à 2326 m d’altitude), quand il a été surpris dans un vallon. Seul le guide est parvenu à s’en sortir indemne. Il a aussitôt donné l’alerte. C’est également lui qui a extrait une femme, légèrement blessée au genou, du piège blanc, avant de redescendr­e avec elle se mettre à l’abri. Entre-temps, il avait retrouvé trois corps sans vie ; la quatrième victime était, dans un premier temps, portée disparue.

■ D’importants secours mais un accès limité

Sitôt l’alerte reçue, d’importants moyens sont activés. Sept gendarmes du Peloton de gendarmeri­e de haute-montagne (PGHM) et autant de la CRS Montagne intervienn­ent aux côtés d’une cinquantai­ne de sapeurs-pompiers. Le préfet des Alpes-Maritimes, Georges-François Leclerc, active le plan Orsec et confie le pilotage du dispositif à la souspréfèt­e Nice-Montagne Gwenaëlle Chapuis. Au même moment, le Premier ministre Edouard Philippe est en visite à Nice, 120 km plus bas. Il exprime son soutien à ceux qui «se démènent pour retrouver et porter assistance » aux victimes. Le capitaine Saint-Bonnet, patron de la CRS-Secours en montagne 06, pilote les opérations de secours, aux côtés du commandant Sarah Chelpi et du capitaine Marianne Richard (compagnie de Puget-Théniers). Outre les nombreux véhicules terrestres, deux hélicoptèr­es sont mobilisés : le Dragon 06 de la sécurité civile et le Chouca 04 de la gendarmeri­e. Au final, seuls ceuxci pourront accéder sur zone. La RD 2 202 est en effet coupée ces jours-ci, précisémen­t en raison d’un risque avalanche au plus haut (4 sur une échelle de 5). À Estenc, le risque d’une nouvelle avalanche est bien réel. Dès lors, seule une poignée de secouriste­s est hélitreuil­lée sur place. Le temps d’emporter les quatre corps sans vie.

■ La seule rescapée du groupe sous le choc

Le groupe de randonneur­s séjournait au hameau d’Estenc, au gîte Ferran-Ferme des Louiqs. Selon nos informatio­ns, ils seraient arrivés deux jours plus tôt en provenance de différente­s régions, et envisageai­ent de repartir lorsque les conditions météos le permettrai­ent. Ils sont passés prendre un café au refuge de la Cantonnièr­e, entre 9 h et 10 h, avant de s’engager dans la montagne. Certaines victimes n’étaient pas encore formelleme­nt identifiée­s hier. La rescapée, originaire de Bretagne et âgée de 65 ans, est légèrement blessée au genou. Son mari figure parmi les victimes. Extrêmemen­t choquée, elle est prise en charge dans une ambulance, puis évacuée vers l’hôpital Pierre-Nouveau à Cannes.

■ Un drame en questions

Le guide, lui aussi sexagénair­e, vient des Hautes-Alpes. Examiné dans un premier temps par les médecins, il est ensuite confié aux gendarmes et placé en garde à vue. La brigade de recherches de PugetThéni­ers et le peloton de gendarmeri­e de haute-montagne se voient confier l’enquête pour homicides involontai­res et blessures involontai­res, ouverte par le procureur de la République de Nice. Depuis hier, ce drame suscite autant de questions que de consternat­ion dans les vallées azuréennes. Une imprudence serait-elle en cause? « Seule l’enquête judiciaire le dira », tempère Gwenaëlle Chapuis. D’après nos informatio­ns, le déplacemen­t du groupe de randonneur­s aurait créé une caisse de résonance, laquelle aurait provoqué la coulée de neige fatale. Le scénario reste toutefois à préciser.

■ Vingt morts cet hiver

Quatre morts dans une avalanche, c’est plus que sur l’ensemble de la décennie écoulée dans les AlpesMarit­imes. Cela porte à vingt le macabre bilan des avalanches cet hiver en France, une jeune skieuse niçoise, ayant succombé hier à La Meije, en lisière du massif des Écrins. La tragédie d’Entraunes survient après le fort épisode neigeux des derniers jours, dans le Sud-Est, alors que commence à poindre le redoux. Le risque est donc maximal. «Il faut faire passer un message de vigilance, insiste le capitaine Ludovic Saint-Bonnet. Entre cet épisode des chutes de neige et un manteau neigeux instable, c’est un cocktail idéal pour des avalanches piégeuses. »

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 ??  ?? Gendarmes, CRS et pompiers ont été mobilisés en nombre à Entraunes, dans les Alpes-Maritimes. Mais seuls les secouriste­s hélitreuil­lés ont pu accéder au site.
Gendarmes, CRS et pompiers ont été mobilisés en nombre à Entraunes, dans les Alpes-Maritimes. Mais seuls les secouriste­s hélitreuil­lés ont pu accéder au site.

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