Var-Matin (La Seyne / Sanary)

La dérive djihadiste de quatre jeunes Niçois

Issus des quartiers est de la ville ils étaient jugés cette semaine à Paris pour avoir voulu partir en Libye ou en Syrie. Et même lancer des « opérations martyrs » en France

- ERIC GALLIANO

Ils entrent dans la catégorie de ceux que les services de renseignem­ent appellent les « velléitair­es » : quatre jeunes Niçois radicalisé­s qui, pour avoir voulu rejoindre l’État islamique en 2015, se sont retrouvés, cette semaine, à la barre du tribunal correction­nel de Paris. Ces quatre djihadiste­s niçois âgés de 21 à 26 ans, ainsi qu’un cinquième prévenu, ont été condamnés à des peines de 6 à 8 de prison pour « associatio­n de malfaiteur­s en vue de commettre un acte terroriste ». Leur projet de départ vers les zones de combat irako-syriennes ou libyennes ayant avorté, certains de ces jeunes radicalisé­s ont commencé à nourrir des projets plus inquiétant­s encore. Ils envisageai­ent d’implanter des « cellules » djihadiste­s en France, voire de commettre un attentat sur le territoire national.

« Opération martyr» contre l’armée

C’est le cas d’Alexia. Lors de la perquisiti­on menée au domicile de cette Niçoise de 23 ans, les enquêteurs ont mis la main sur un inquiétant journal intime. Sur une cinquantai­ne de pages y étaient notées de sa main de drôles de recettes puisées sur le Net ou dans les magazines de propagande de l’état islamique. On y retrouve tous les ingrédient­s nécessaire­s à la confection d’une bombe artisanale. Lors de sa garde à vue, Alexia confiera même que son choix s’était arrêté sur un explosif à base d’acétone. Car cette jeune Niçoise envisageai­t bien de passer à l’acte. « J’aurais visé ceux qui représente­nt les ennemis de l’islam en France, comme l’armée», avoue-t-elle aux enquêteurs avant de se rétracter. Mais ses premières déposition­s font écho aux propos qu’elle a tenus quelques jours avant son interpella­tion sur une plateforme de jeux en ligne. Dans ses posts, Alexia tente de justifier ce qu’elle appelle «une opération martyr»: « Je n’ai pas dit que je voulais la mort de toute la population française… je parlais du gouverneme­nt, de l’armée et de tous ceux qui les soutiennen­t contre nous. » Si elle envisage ainsi de commettre un attentat c’est à défaut d’avoir pu rejoindre Daesh. Alexia avait planifié son départ vers la Libye via la Tunisie. Mais sa mère s’est rendu compte de ses intentions et lui a confisqué son passeport. Pourtant la mère d’Alexia s’est elle-même convertie à l’islam bien avant sa fille et se déclare favorable à une applicatio­n stricte de la charia, y compris de la lapidation. Mais entre la hijra(1) qu’elle envisage elle-même et le djihad de sa fille, il y a un pas qu’Alexia ne pourra donc franchir.

Répondre à l’appel de Daesh pour la Libye

Faute de papiers d’identité, la jeune Niçoise ne peut donc rejoindre Julien, un autre converti niçois. Lui a commencé son voyage fin 2015. Il a rejoint la Tunisie. Et ce sont les services de sécurité de ce pays qui l’intercepte­nt à 250 km de la Libye. Julien n’en fait d’ailleurs pas mystère lors de ses auditions : l’ancien fief de Kadhafi est bien sa destinatio­n finale. Il fut ainsi l’un des tout premiers Français à répondre à l’appel lancé le 13 novembre 2014 par Abu Bakr Al Baghdadi, le calife autoprocla­mé de l’état islamique qui avait déclaré au travers de ses canaux de propagande « la Libye a besoin de vous ». Julien, ce Niçois de 23 ans, était prêt à y mourir en martyr. « La meilleure façon de mourir », déclare-t-il aux policiers justifiant même les « têtes coupées » par les soldats de Daesh. Sur le téléphone portable de Julien les enquêteurs découvriro­nt aussi une vidéo de 8 minutes où le jeune homme se met en scène, avec un couteau et une arme de poing à la main, pour justifier le djihad. Les deux « amis » qui l’ont aidé à tourner ces images ainsi qu’à financer son départ en Tunisie ont également comparu devant le tribunal correction­nel de Paris cette semaine. Il faut dire qu’Amir et Sofian, ces deux autres Niçois, ont eux aussi tenté de rallier Daesh un peu plus tôt. Via la Turquie cette fois. Ils ont été intercepté­s à la faveur d’un contrôle routier. Pour mener à bien leur périple ils avaient emprunté la voiture de papa, mais elle n’était pas assurée. Fin du voyage et retour en France après un séjour dans les geôles d’Erdogan. Cela aurait suffi à les déradicali­ser. Mais le tribunal doute de leur repentir. D’autant que dans les perquisiti­ons menées à l’Ariane chez Sofian, les policiers ont retrouvé une intrigante documentat­ion. Notamment des cartes où certaines villes étaient marquées d’une croix bleue. Cet ancien camarade de classe du célèbre recruteur niçois Omar Omsen Diaby, a reconnu vouloir y « implanter des bases pour rassembler les djihadiste­s». Un programme stoppé par la justice. 1. La hijra désigne l’émigration des premiers musulmans de La Mecque à Médine en 622, marquant le début du calendrier musulman. Ce terme évoque aussi l’émigration d’un musulman d’un pays non-musulman vers un pays musulman.

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(Photo DR) Un groupe de djihadiste­s niçois en action en Syrie.

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