Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Molard la voulait tant

L’Antibois avait coché cette étape depuis la publicatio­n du parcours de la course. Hier, il s’est imposé à la pédale devant tous les favoris, dans un final tracé à 20 km de chez lui. Inoubliabl­e

- ROMAIN LARONCHE

Il y a trois semaines, Rudy Molard avait du mal à digérer sa troisième place à Flayosc sur le Tour du haut Var-matin. Emmené par Thibaut Pinot, équipier de luxe d’un jour, l’Antibois de 28 ans avait dû se contenter de la troisième place de l’étape, ainsi que du général. Comme sur le Tour de La Provence une semaine plus tôt. «Çase rapproche, c’est bien, mais j’espère en gagner une bientôt. Mon prochain rendezvous, ce sera Paris-Nice. C’est un autre niveau mais les jambes sont bonnes », avait alors donné date l’Azuréen d’adoption depuis plus de sept ans. Hier, le natif de Gleizé (Rhône) est passé des paroles aux actes. Et de quelle manière ! Face aux cadors du cyclisme mondial, et sur un parcours ultra-sélectif, il n’a pas hésité à secouer par deux fois le groupe des favoris dans le final pour s’imposer en solitaire dans les rues vençoises, signant sa première victoire en World Tour. « Je me suis dit si j’attends, j’ai perdu d’avance au sprint face à un coureur comme Alaphilipp­e. J’ai préféré jouer à quitte ou double, tant pis pour une placette. J’avais déjà perdu au sprint sur le Haut-Var et La Provence, c’est ce qui a fait que j’ai été plus audacieux aujourd’hui ». Une tactique de course saluée par bon nombre d’observateu­rs, ravis de voir l’équipier-modèle à l’année s’imposer sur une si grosse course.

Voekcler : « Ce matin, je lui ai dit d’y croire »

Le matin même à Sisteron, Thomas Voeckler était venu chuchoter à l’oreille de l’Antibois sur la ligne de départ. « Je lui ai dit d’y croire, qu’il marchait comme jamais et qu’il fallait qu’il tente le coup. La preuve, je suis content de mon coup (rire). Je ne suis pas surpris et très heureux pour lui. C’est un gars qui bosse énormément pour ses leaders toute l’année, et depuis l’an passé on a senti une progressio­n. ». L’ancien meilleur grimpeur du Tour aurait couru exactement comme Molard. « Devant l’écran, quand j’ai vu que ça s’observait un peu, je me suis dit “c’est le moment d’y aller” et il est parti. Si ça avait été Alaphilipp­e, qui aurait mis la même attaque à cet endroit-là, ça aurait réagi. Il a la chance d’être moins surveillé pour le moment, ça ne va pas durer ».

« Je m’en rappellera­i toute ma vie »

Des gens heureux pour le succès du leader de Groupama-FDJ, il y en avait plein la ligne d’arrivée. A commencer par certains de ses “adversaire­s”. « Ça fait plaisir de voir un copain gagner » , savourait le Saint-Jeannois Amaël Moinard, qui se remémorait les images de sa victoire sur la Promenade des Anglais, il y a huit ans. «Illa mérite. C’est un super bosseur, quelqu’un d’intelligen­t, qui gère très bien sa carrière. C’est la belle victoire qu’il cherchait ». Une grande victoire au goût particulie­r, à 20 km de son lieu de résidence. « Bien sûr que l’émotion est encore plus forte. Avec Amaël (Moinard) et Mikaël (Cherel), on avait reconnu plusieurs fois l’étape, on l’avait cochée, on voulait tous briller. Même si on court dans des équipes différente­s, à l’entraîneme­nt, on partage ces routes, nos envies. Ce n’est pas la Prom’, mais c’est particulie­r, je m’en rappellera­i toute ma vie ». Une seule petite ombre au tableau. Manon Testou, la compagne de Rudy, celle pour qui il avait rejoint la Côte d’Azur il y a 7 ans, quand elle entrait alors en

école de commerce à Sophia Antipolis, n’avait pas pu se libérer hier. « Quand je ne suis pas là, il fait de bonnes perf’, commentait sa compagne, et également cycliste. J’avais une séance de coaching (à la Caps Academy à Antibes) avec des clients. Quand j’ai allumé mon portable et que j’ai vu le nombre de messages, j’ai compris. J’en ai pleuré de joie. Avec son profil de puncheur-grimpeur, il a peu d’opportunit­és de gagner, il l’a fait à la pédale, c’est magnifique ». Rudy n’a plus qu’à rééditer ce coup d’éclat pendant le week-end, pour que Manon le voie de ses propres yeux. « Le refaire, ça va être dur, on arrive dans la haute montagne (aujourd’hui à La Colmiane) ». Et avec une 13e place, à 1’18’’ de Leon-Sanchez, l’Azuréen

n’aura pas de marge de manoeuvre. Le “top 10” n’est, lui, qu’à 24 secondes. «Le général, je l’ai dans un coin de la tête, mais intégrer ce “top 10” sera difficile. De toute façon, je préférais jouer une étape que faire 15e comme l’an passé ». Une mission totalement réussie.

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(Photos Eric Ottino) Rudy Molard signe le plus beau succès de sa carrière à Vence.

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