En Méditerranée, les pêcheurs professionnels tentent de réinventer l’avenir
Certes, la mauvaise météo de ces dernières semaines n’est pas pour rien dans ce voile qui semble avoir embrumé les regards des marins pêcheurs. Mais si le moral des professionnels de Sanary n’est pas au beau fixe, ce n’est pas seulement la faute d’Eole ou de son vieux pote Helios. « Entre les réglementations européennes et la baisse des ressources, on n’est vraiment pas gâté, explique Cédric Bindewald, pêcheur d’oursins. La baisse des ressources ? « C’est une réalité. Depuis une poignée d’années, il y a un effondrement des stocks. La pêche industrielle est en cause, bien sûr, l’explosion de la pêche de loisir aussi. Mais il n’y a pas que ça. Les boues rouges de Gardanne ont tué la reproduction. C’est bien simple: désormais, les sardines font la taille de l’anchois ». Bref, s’il semble évident que ce n’est pas demain la veille qu’un poisson bouchera le port de Sanary, les professionnels craignent qu’un jour ne vienne où les pêcheurs euxmêmes auront disparu. «Moi, je suis là depuis 1984. Je suis fils de pêcheur, petit-fils de pêcheur. Mais je ne serais pas père de pêcheur, confesse, touchant, Jean-Paul Mazella. Je ne conseillerai à aucun de mes trois gars de se lancer. On a connu les bonnes périodes mais là, c’est fini. C’est devenu trop difficile… »
« Il faut peut-être se diversifier… »
Cédric Bindewald tempère un peu le propos : « Malgré les contraintes, ça reste une passion et un métier formidable. Mais il faut se réinventer, c’est sûr. On ne peut plus juste miser sur les saisons.» Il y a quelques années, le pescatourisme avait ainsi séduit quelquesuns des pêcheurs de Sanary qui souhaitaient mettre un peu de beurre dans la bouillabaisse. Les professionnels embarquaient quelques estivants avides de flairer le gros poisson. Mais entre « les donneurs de leçons qui ne la fermaient pas » et le mutisme légendaire des marins, la cohabitation à bord n’était pas toujours idyllique… et la récolte pas forcément fructueuse. Beaucoup ont fini par renoncer. La solution pour que les petits métiers ne disparaissent pas ? « Il n’y a pas de recette miracle, poursuit Cédric Bindewald. Mais l’avenir, ça passe peut-être par le fait de se diversifier. Moi, j’embarque des touristes l’été pour de petites balades. D’autres initient à la pêche sportive ou encore fournissent en poissons des restaurateurs talentueux.» Toujours en s’adossant au marché, donc: «Évidemment. On sent d’ailleurs que les gens reviennent vers les circuits courts. Et puis, c’est un endroit superbe. » Après la mer, la deuxième maison des pêcheurs de Sanary.