Marina Rollman : le rire sans rouler les mécaniques
Elle essaye de comprendre « les connards, ces petits oiseaux blessés », puis mouche ceux qui lui ont envoyé une photo de leur pénis pour la séduire depuis qu’elle bosse à France Inter. Depuis août, le vendredi, dans la Bande originale de Nagui, la Drôle d’humeur de Marina Rollman a remplacé tout aussi avantageusement celle de Pierre-Emmanuel Barré. Trente ans à peine, entre un billet à la Carry Bradshaw dans Sex and the city et quelques piques façon Connasse de Camille Cottin, ce petit bout de femme au débit de mitraillette, n’est, l’air de rien, pas vraiment socialement correcte (1).
De la Suisse à la France
On devine dans les chroniques de cette Franco-Suisse un choc post-traumatique culturel, après son arrivée en France. « J’ai de la famille en France, j’y vais depuis toujours, Genève est très limitrophe avec la France. Mais justement parce qu’il y a cette proximité, une fois que j’ai emménagé à Paris, les petites différences qui en fait sont fondamentalement énormes me sautent d’autant plus au visage, confirme-t-elle. Si j’avais emménagé en Thaïlande, je me serai dit “ok, c’est normal que ce soit très différent et je me serai habituée”. » La vie l’inspire, et c’est jubilatoire pour nous. «Pour mes chroniques, je vais piocher un peu dans tout. Je ne fais pas trop d’actu. J’ai plutôt tendance à aller vers des petites choses du quotidien. » C’est moins jubilatoire pour elle, quand, malgré le fait qu’elle soit une féministe convaincue, elle caricature une abonnée de son club de fitness. « Et voilà, du coup... fitness auquel je ne suis plus allée depuis huit semaines. J’ai un petit coup de mou. Chuis pas zélée en ce moment...», souffle-t-elle, penaude.
Les bullshits jobs
Que ces exemples n’occultent pas la précision de son écriture et la finesse de ses analyses sur la société, le monde du travail, et les rapports hommes-femmes, à l’image d’une intervention qu’elle a fait à l’occasion de la journée de la femme l’année dernière, au journal Le Temps : «Quand les hommes se trompent, c’est à la réalité de s’adapter» (2). Dans Un spectacle drôle, le stand up qu’elle joue au théâtre du Marais à Paris et qu’elle donnera samedi au Colbert, la jeune trentenaire parle de ce qu’elle a connu : la dépression ; les bullshits jobs (jobs à la con) auxquels n’échappent pas les diplômés ; Tinder, l’appli qui vous suit partout... mais aussi d’histoires d’amour, de sexualité. Un dernier sujet ultra-rabâché, qu’elle réussit à renouveler avec une fraîcheur inédite. « Je pense qu’il y a toujours l’écueil quand on est une femme. On sera jugée différemment et on nous reprochera d’être trop vulgaires pour dire des choses qu’on n’aura pas reproché à un homme, par exemple. Ou je ne sais pas... de faire l’allumeuse. Effectivement, c’est un terrain un peu miné pour les femmes. Je pense que si on l’aborde avec simplicité, en fait,il y a plein de choses à dire. C’est vraiment un terrain à défricher aujourd’hui, qui est important. Oui, il y a le sexe qui est rigolo, mais après il y a de vraies questions : comment on va éduquer nos enfants à ça ? Et comment est-ce qu’on va à travers ça forger les rapports hommefemme de demain ? » Véritablement jouissif. 1. Elle joue aussi une rédactrice en chef dans Roi de la Vanne le nouveau programme court de Canal +, avec Guillermo Guiz. 2. Visible sur youtube.
Savoir + Marina Rollman dans «Un spectacle drôle», samedi au théâtre Colbert, à 20h30, tarif découverte à 10 euros. Billetterie dans les points de vente habituels.