Pour le terroir
Hier matin, une centaine de viticulteurs, élus et habitants du secteur ont manifesté devant une propriété agricole qu’ils accusent de recevoir illégalement des déchets depuis trente ans
Viticulteurs, élus et habitants du Castellet et de La Cadière se sont mobilisés hier contre « une décharge illégale » sur des terres agricoles. Si le propriétaire dit avoir toutes les autorisations, l’État n’est pas de cet avis. Un vaste trafic de déchets du BTP entre le Var et le a par ailleurs été mis au jour.
De mémoire de Castellan ou de Cadiéren, même en pleine période de vendanges, jamais on n’avait vu pareil défilé de tracteurs sur la petite route départementale 87, qui serpente entre les ceps, de l’autoroute à Sainte-Anne du Castellet. Hier matin, les viticulteurs de l’AOC Bandol avaient en effet organisé une véritable démonstration de force. Une opération escargot à l’aide d’une vingtaine de véhicules destinée à mettre en lumière, assurent-ils, les mauvaises pratiques d’un propriétaire terrien. « Ici, depuis trente ans, près d’un million de tonnes de déchets ont été déposés illégalement », résume Guillaume Tari, président de l’association des Vins de bandol. « On a dû se battre pour déclasser ses vignes de l’AOC (La Capucine, ndlr). Aujourd’hui, on ne peut plus accepter de voir ainsi salir notre terroir et la réputation d’une des plus vieilles appellations de France. On a alerté la préfecture, la mairie de La Cadière et rien ne se passe. On a décidé d’agir.» Ils n’étaient pas les seuls. Plusieurs dizaines d’habitants du secteur et adhérents d’une poignée d’associations du Castellet et de La Cadière avaient aussi
(1) souhaité manifester devant l’entrée de la propriété. « On a compté : il y a environ 100 camions par jour qui empruntent cette petite route de campagne, qui n’est pas marquée et particulièrement vireuse », explique Marcel Simon, président de l’association Arcade. C’est très dangereux, en plus d’être bruyant. »Acet endroit, la route des Oratoires inspire en effet davantage le recueillement et des envies de promenades bucoliques.
« Je vais saisir les ministères des Finances et de l’Environnement »
Et ce ne sont pas les représentants du monde agricole (2), dont certains étaient venus de loin, qui pensaient le contraire. Sylvain, viticulteur à Besse-sur-Issole, était particulièrement remonté. « Nous autres vignerons, on a fait évoluer nos pratiques car on nous demande d’être irréprochables sur l’usage des pesticides. Et là, l’État est aux abonnés absents ! Je rappelle qu’il n’y a que 9 % de terres agricoles dans le Var, ça serait peut-être bien de les préserver… » Parmi les élus qui avaient aussi fait le déplacement, Erik Tamburi (opp. SixFours), Edouard Friedler (opp. Le Beausset) et surtout la députée de la 6e circonscription du Var, Valérie Gomez-Bassac (LREM). Laquelle n’a pas mâché ses mots: «Les déchets dans le département, c’est un de mes combats. Là, j’espère que ma présence va faire accélérer les choses. Je connais bien le dossier et, que ce soit du côté de la mairie ou de la préfecture, on ne m’a apporté aucun document qui prouverait que cette décharge est légale. Aujourd’hui, je note que des déchets inertes du BTP sont déposés sur ces terres et que les pouvoirs publics n’ont pas bougé le petit doigt. Je vais immédiatement saisir les ministères des Finances et de l’Environnement. » Contactée, la préfecture réfute le procès en immobilisme mais confirme l’illégalité de certaines activités sur le site. Le propriétaire des terres, dont une partie lui a été confiée par le Conseil général à des fins agricoles, continue pour sa part d’affirmer qu’il n’a en rien enfreint la loi... Hier, en tout cas, aucun camion n’est venu rompre le calme de la campagne ouest-varoise. La fin des activités de remblaiement? Guillaume Tari préfère en sourire. «Ça va faire trentetrois ans que cette décharge fonctionne. L’âge du Christ. De là à croire à un miracle… »