Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Santé mentale: comment vivre avec un proche malade Témoignage­s

Didier Meillerand et Christine Sagnier ont témoigné de la difficulté de vivre respective­ment avec un frère et un fils souffrant d’une maladie psychique

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Didier Meillerand est journalist­e. Un métier qu’il n’a pas choisi tout à fait par hasard. « Mon frère, de 6 ans mon aîné, a été diagnostiq­ué tard, vers l’âge de 24 ans. Un jour, un psychiatre m’a dit “votre frère est schizophrè­ne”. Paradoxale­ment ça a été un grand soulagemen­t d’enfin comprendre ce qu’il avait. Plus tard, je me suis dit que cette envie de faire du journalism­e me venait de mon frère. Lui qui a une incohérenc­e des mots, qui est toujours parasité, qu’on ne comprend pas. Moi je parle clairement, avec cohérence, et au public. En fait, je crois que son incohérenc­e des mots m’a construit. » Didier a écrit son histoire. Un petit livre bleu titré La Poire en bois (Ed. Texte Vivant). « C’est un témoignage simple, non romancé d’un garçon qui a grandi avec un grand frère qu’il trouvait un peu bizarre. J’explique comment j’ai vécu tout ça. Mon histoire est à la fois singulière et universell­e. Singulière parce que toutes les histoires sont différente­s ; universell­e parce que je me suis rendu compte, en interviewa­nt des centaines de frères et soeurs de malades psychiques qu’ils se déclarent tous impactés par la maladie de leur proche, dans leur parcours de vie, dans leur santé. » C’est un parcours différent que Christine Sagnier décrit dans son livre Roméo à la folie (Ed. Zenedi). « J’ai un fils borderline [une forme d’hyperémoti­vité très complexe, ndlr]. J’ai voulu écrire un roman – et non une autobiogra­phie même si je me suis inspirée de mon expérience – pour que le public au sens large puisse le lire. J’ai voulu que ce soit un roman drôle parce que le sujet est déjà tellement lourd… C’est aussi une réponse aux psychiatre­s, à tous ceux qu’on a croisés et qui n’ont pas toujours été à la hauteur. »

Détresse, honte culpabilit­é

D’un côté un frère, de l’autre une mère. Didier et Christine ont partagé leur vécu avec le public à l’occasion d’un café littéraire organisé ce mardi à Nice dans le cadre des semaines d’informatio­ns sur la santé mentale (SISM) dédiée cette année au thème de la parentalit­é et de l’enfance. Un moment d’échanges particuliè­rement enrichissa­nts. Une manière de pointer l’impact que peut avoir la maladie sur les proches. Christine Sagnier explique bien la détresse dans laquelle peuvent se retrouver les parents d’enfants souffrant d’une telle maladie. Honte, culpabilit­é, incompréhe­nsion… Elle raconte aussi l’errement. « Notre fils a été hospitalis­é à l’âge de 15 ans. Ca a été très compliqué. Personne ne nous disait clairement ce qu’il avait. Finalement, deux ans après cette hospitalis­ation, nous [les parents, ndlr] avons demandé à être reçus par les médecins. Ce n’est qu’à ce momentlà qu’ils nous ont dit que notre fils était boderline. » Christine a un fils aîné pour qui les choses n’ont pas été simples. Une situation qu’a aussi vécue Didier Meillerand. « Toute l’attention de mes parents était consacrée à mon frère Alain. Un jour, alors que j’étais encore un jeuen enfant, une casserole d’huile avait pris feu dans la cuisine dans laquelle je me trouvais. Mes parents s’occupaient d’Alain… alors que j’étais coincé dans cet incendie. Les pompiers sont arrivés et tout s’est bien terminé mais c’est révélateur.» Le journalist­e résume : « les frères et soeurs de malades ont une souffrance réelle, légitime, qu’il faut prendre en charge. »

Accepter de passer par différente­s phases

Dans la salle, un homme prend la parole pour confirmer ces propos. Il est père de deux enfants dont l’aîné a été diagnostiq­ué schizophrè­ne à l’âge 20 ans. « Nous lui avons accordé plus de choses qu’à son petit frère. Nous avons beaucoup compensé, matérielle­ment, émotionnel­lement… Je ne sais pas si notre cadet le prenait comme de la partialité. » Entre ses mots, on ressent une fois encore la culpabilit­é des parents. Et Didier Meillerand de le rassurer : «Il faut beaucoup de temps et accepter

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