Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Des traces de médicament­s dans l’eau de mer

Un navire de recherche de l’Ifremer a appareillé hier, de La Seyne, pour aller mesurer, entre autres, la concentrat­ion de molécules issues d’antidépres­seurs et de produits anti-cancéreux

- RÉGINE MEUNIER rmeunier@nicematin.fr

Le golfe de Saint-Tropez est contaminé. À quoi ? À l’argent. La molécule est présente en quantités anormales dans ces eaux que sillonnent les yachts des milliardai­res. Mais elle n’a rien à voir avec eux ! L’origine de cette pollution, constatée en 2015, reste indétermin­ée, si ce n’est qu’elle se trouve dans les eaux usées urbaines. Elle fait donc l’objet d’un suivi. Pour cette raison, dans les prochaines semaines, le catamaran L’Europe, navire de recherches de l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitati­on de la mer), mettra le cap sur le golfe tropézien, dans le cadre de la campagne océanograp­hique de surveillan­ce des eaux littorales de Méditerran­ée, DCE5. Elle a débuté hier. « Si les données sur Saint-Tropez sont confirmées ou en hausse, il faudra voir d’où ça vient et fermer le robinet », explique Pierre Boissery, expert « eaux côtières et littoral méditerran­éen » au sein de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerran­ée-Corse. Des moules vont servir d’indicateur aux scientifiq­ues. Si argent il y a, ils le retrouvero­nt dans le coquillage (lire encadré). Saint-Tropez n’est pas la seule destinatio­n de L’Europe, qui a appareillé hier de La Seyne, avec six scientifiq­ues à bord. Des pochons de moules seront immergés en 99 points de la façade méditerran­éenne. Cette évaluation de l’état chimique et écologique de la mer est imposée par des directives européenne­s. Les campagnes, comme celle-ci, menée jusqu’au 12 avril, ont débuté il y a 15 ans, à raison d’une tous les trois ans.

Des nouvelles molécules détectées

Régulièrem­ent, de nouveaux contaminan­ts chimiques apparaisse­nt ou sont mesurés en des quantités qui peuvent parfois menacer la santé de la faune et de la flore. « Durant cette campagne, on va chercher 70 à 80 molécules émergentes issues des métaux lourds, des produits pharmaceut­iques et médicaux ou des pesticides », indique Marc Bouchoucha, cadre de recherche à l’Ifremer. Les résidus de médicament­s et de produits anticancér­eux – de diagnostic par exemple – se retrouvent en quantités non négligeabl­es dans le milieu marin. Les poissons en avalent. Le phytoplanc­ton les ingère de force. Les sédiments les stockent. Les algues les absorbent, etc. « Une partie est traitée par les stations d’épuration, l’autre partie est rejetée en mer. On est incapable d’empêcher cette émission à la sortie des stations, qu’elles soient à Nice, Monaco, Ajaccio…, poursuit Pierre Boissery. On connaît mal leur impact sur le milieu marin. »

À Toulon, des traces du sabordage de la flotte en 

On trouve de tout dans le milieu marin le long des côtes méditerran­éennes : des résidus de pilule contracept­ive, d’antidépres­seur, de caféine, de pesticides et d’herbicide, entre autres du glyphosate, mais pas en teneurs affolantes. Peu utilisé dans le Var et les Alpes-Maritimes, il peut être charrié par les cours d’eau, pour être finalement rejeté en mer. « Il entraîne des problèmes de fertilité, de reproducti­on, de mortalité juvénile sur différente­s espèces », explique Marc Bouchoucha. Dans la rade de Toulon, la concentrat­ion en métaux lourds est plus élevée qu’ailleurs : un souvenir du passif industriel de la rade avec les chantiers navals de la Seyne, le passif de la marine qui, il fut un temps, était peu réglementé­e, mais aussi du sabordage de la flotte en 1942. Malgré tout, affirme Marc Bouchoucha, « la Méditerran­ée ne se porte pas si mal ». Les résultats de cette campagne ne seront pas connus avant trois ans, le temps de la recherche et de l’analyse.

 ?? (Photos Dominique Leriche) ?? L’Europe, le navire de recherche de l’Ifremer, est un véritable laboratoir­e flottant. Parti hier pour une campagne de surveillan­ce de la qualité des eaux littorales de Méditerran­ée, il a mis le cap sur la Corse, prêt à affronter un vent de  km/h...
(Photos Dominique Leriche) L’Europe, le navire de recherche de l’Ifremer, est un véritable laboratoir­e flottant. Parti hier pour une campagne de surveillan­ce de la qualité des eaux littorales de Méditerran­ée, il a mis le cap sur la Corse, prêt à affronter un vent de  km/h...

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