« Triste mais surtout fier du geste d’Arnaud Beltrame »
Hier soir à Nice, un ancien frère d’armes salue l’« engagement ultime » du héros de l’Aude. Les gendarmes lui rendent hommage, par la voix de leur commandant et de familles de militaires
C’était l’un de mes officiers. Le connaissant, et au vu de notre formation commune, je ne suis pas surpris de son action... » Il a servi dans la même unité qu’Arnaud Beltrame, en Irak, entre 2003 et 2008. « J’ai eu cette chance », sourit cet ex-gendarme, désormais policier municipal à Nice. Statut oblige, cet ancien de l’EPIGN (escadron parachutiste d’intervention de la gendarmerie nationale) ne peut s’exprimer nommément. Mais il est venu avec ses collègues, hier soir, participer à l’hommage à son ancien frère d’armes, tombé en héros dans l’Aude. Dépôt de gerbe. Hymne aux morts. Marseillaise. À la caserne Ausseur, le groupement de gendarmerie des Alpes-Maritimes salue la mémoire des victimes de Trèbes et Carcassonne. Avec une attention forcément particulière pour Arnaud Beltrame, dont le portrait dévisage l’assistance : les gendarmes, bien sûr, mais aussi les autres services de sécurité, les autorités judiciaires, politiques, religieuses et civiles. Pas de prise de parole. Mais certains témoignages, recueillis à l’issue, traduisent cette émotion étrange, ce deuil solidaire éclairé par une admiration sincère. Comme la Nation tout entière, l’excamarade d’Arnaud Beltrame ressent « de la tristesse, évidemment. Mais aujourd’hui, c’est la fierté qui l’emporte ! Je suis fier de ce qu’il a fait. » Car ce geste reflète l’officier qui l’a commandé en Irak. « C’était vraiment quelqu’un d’engagé pour son pays. L’engagement ultime, ça veut dire quelque chose... Et c’était ancré chez lui, comme chez tous ceux qui ont servi dans cette unité. »
L’appel au courage de tous
Son sacrifice a valu à Arnaud Beltrame d’être élevé à titre posthume au rang de colonel. Soit le grade du colonel Grégory Vinot, commandant du groupement des Alpes-Maritimes. L’officier l’admet : «Çainterroge chacun d’entre nous en tant qu’individu. Jusqu’où irait-on ? Que ferait-on [à sa place] ?» Saluant « l’extraordinaire solidarité des citoyens », le patron des gendarmes azuréens délivre ce message : « Les gendarmes ne revendiquent pas le monopole du courage. J’en appelle à tous les citoyens : chacun d’entre nous est capable aussi de courage ! » Un appel qui résonne avec d’autant plus de force à Nice, « si meurtrie » un soir de 14 juillet. Les attaques de Trèbes et Carcassonne « nous rappellent que ça ne s’arrêtera pas. Tous ensemble, nous avons besoin d’être solidaires. » Solidaires, elles le sont aussi, ces familles postées au bout de la rangée d’uniformes. On y rencontre André, quinqua à l’émotion palpable. Sa fille est gendarme adjointe volontaire. Il salue « un acte de bravoure comme il n’en existe pas d’autre. Ça ne m’étonne pas de la part d’un gendarme. Ils sont dévoués, volontaires, ils participent à la défense de la Nation... » André se dit « reconnaissant » de cette « grande famille ». Même s’il doit, parfois, trembler pour la sienne. « Ça fait partie du métier... Avec ces années troubles, il faut être vigilant. »
Les familles solidaires
Voilà pourquoi des épouses de gendarmes sont venues hier. « Par solidarité, déclare l’une d’elles, sous couvert d’anonymat. « Nous avons été plus encore touchées. Je suis tellement admirative du travail accompli par les forces de l’ordre au quotidien, face à des situations parfois très violentes... » Le courage. L’honneur. Des valeurs partagées avec les policiers, douaniers, pompiers présents. L’ex-policier municipal devenu gendarme salue « cette unité ». Il salue aussi le soutien de la population, sans trop se leurrer quant à sa durée. Le nom d’Arnaud Beltrame restera-t-il longtemps dans la mémoire collective ? « En tout cas, dans la mienne, il restera jusqu’à la mort. »