Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Le marseillai­s Edmond Rostand crée le club des natifs du er avril

- Les conférence­s Exposition ANDRÉ PEYREGNE RMEUNIER@NICEMATIN.FR

Marseillai­s, Edmond Rostand ? On a peine à le croire tant la carrière de l’auteur de « Cyrano de Bergerac » est liée à la vie parisienne. Pourtant, c’est bien à Marseille qu’il vit le jour il y a cent cinquante ans, le 1er avril 1868. La rue, qui porte son nom aujourd’hui, s’appelait à l’époque rue Montaux. Il est né au numéro 14, dans un bel immeuble qui existe toujours au milieu du quartier des antiquaire­s, près de la place Castellane. La famille d’Edmond Rostand faisait partie de la haute bourgeoisi­e marseillai­se. Son arrière-grandpère Alexis Rostand fut maire de Marseille. Il eut des oncles et grands-oncles à la tête d’importante­s affaires de la cité. L’un d’eux était banquier. Mais dans cette famille, on aimait et on pratiquait les arts. L’oncle banquier était musicien. Le père d’Edmond, économiste, traduisit en vers le poète latin Catulle. Il était également bonapartis­te et avait accroché dans la chambre de son enfant un portrait du fils de Napoléon. Comment imaginer que cela ne l’a pas influencé, par la suite, pour l’écriture de l’« Aiglon » ?

Nostalgiqu­e de sa vie à Marseille

Edmond étudia au lycée de Marseille où, déjà épris d’activité littéraire, il créa un journal, le « Farfadet ». En 1884, il entre au collège Stanislas à Paris. Mais Marseille À Nice : paradis perdu et univers fantasmago­rique Cette semaine, l’associatio­n culturelle niçoise Vu pas Vu propose deux conférence­s. ◗ Le mercredi  avril à  h  avec « Image d’un paradis perdu », Christian Loubet, professeur émérite des Université­s en histoire des mentalités et des arts va décliner un sujet qui touche à la représenta­tion du paradis terrestre dans la peinture : la Création et la Chute, illustrati­on sur la toile de Masaccio ( à ) à Chagall () du mythe fondateur de notre culture ◗ Samedi  avril à h, les oeuvres de Giuseppe Arcimboldo ( / ) seront décryptées par Joël Scholtès, maître de conférence­s en sciences de l’informatio­n et de la communicat­ion et spécialist­e de l’histoire de l’art. La célébrité de cet artiste atypique repose sur une vingtaine de têtes allégoriqu­es et fantastiqu­es composées avec des poissons, des fleurs, des fruits ou des livres (notre

reste dans son coeur, comme en témoigne son poème la « Chambre »: « C’est aujourd’hui jeudi./ C’est le jour où Marseille/ Tient ses marchés de fleurs./ C’est là que je serais, dans la tiédeur vermeille,/ Au milieu des flâneurs/ Si je n’avais voulu, pour être ce poète/ Que nul ne demandait,/ Risquer d’être à Paris… » En 1887, tout en poursuivan­t ses études de droit, il remporte un prix de l’Académie des arts et des lettres de Marseille pour un essai photo). Ce grand maître de l’imaginaire du XVIesiècle est l’une des figures de cette période charnière qui ferme le monde du Moyen Âge et ouvre une nouvelle ère, appelée Renaissanc­e. ◗ « Image d’un paradis perdu », le mercredi 4 avril à 18 h 30 et « L’univers fantasmago­rique d’Arcimboldo », samedi 7 avril à 10 h 30. Maison des Associatio­ns, 12 ter place Garibaldi à Nice. Tarifs : 10 et 12 euros. Réservatio­ns obligatoir­es sur www.vupasvu.com La Garde-Freinet: l’élevage de vers à soie Le Conservato­ire du patrimoine organise une exposition sur la séricicult­ure, activité traditionn­elle et ancestrale. Il y est présenté l’évolution de cet artisanat et son importance économique pour la région depuis des temps immémoriau­x. Outils, machines et autres ustensiles ainsi que des panneaux illustrés retracent l’histoire de la séricicult­ure de la légende chinoise à l’arrivée de la soie en Europe. On y décrit également la vie d’un ver, son anatomie, son cycle de vie, sa nourriture, et son élevage. La curiosité est l’élevage installé au centre de l’exposition avec les oeufs dont les éclosions donneront des centaines de minuscules bombyx du mûrier. ◗ « L’élevage de vers à soie et son histoire », tout le mois d’avril du lundi au samedi : 9h-12 h 30/14h-17 h 30. Chapelle Saint-Jean, place de la Mairie, La Garde-Freinet. Entrée libre. avril , il y a exactement  ans. sur «Deux romanciers de Provence ».

Il réclame l’entrée gratuite dans les maisons closes

Le premier est Honoré d’Urfé, né à Marseille et mort à Villefranc­hesur-Mer, auteur du roman fleuve de cinq mille pages, l’ « Astrée », qui, au XVIIe siècle, tint en haleine l’Europe entière. Le second romancier est Émile Zola, qui passa sa jeunesse à Aix-en-Provence où son père, ingénieur, était venu

À gauche, construire un barrage (voir notre édition du dimanche 25 mars). Le 1er avril 1888, Edmond Rostand fonde le « Club des natifs du premier avril ». Il stipule que ses membres pourront entrer gratuiteme­nt dans tous les établissem­ents publics, opéras, théâtres, champs de course et maisons closes, riront aux enterremen­ts, seront parrainés par le chef de l’État et se verront attribuer un appartemen­t dans un palais national! Il y eut beaucoup d’adhérents mais aucune suite ! Il a 29 ans lorsqu’en 1 897 arrive son premier succès : « Cyrano de Bergerac ». Ah, la tirade des nez ! « Moi, monsieur, si j’avais un tel nez,/ Il faudrait sur-le-champ que je me l’amputasse !... » En 1900, nouveau succès avec l’« Aiglon » : « Plein de sang dans le bas et de ciel dans le haut/ Puisque le bas trempa dans une horreur féconde / Et que le haut baigna dans les espoirs du monde ». Viendra ensuite Jules Mazarin (-) « est le plus romain des cardinaux français et en même temps le plus français des cardinaux romains.» Cette descriptio­n prise dans une des pages du livre d’Olivier Poncet, dessine le cadre dans lequel cette personnali­té audacieuse, née en Italie, va gravir les marches du pouvoir en France.

Qui était Mazarin? Mazarin a succédé à Richelieu, qui fut son mentor, comme principal ministre de la France de  à . Il a été d’abord soldat, puis diplomate au service de la papauté, mais il n’a jamais été prêtre, même après sa nomination au cardinalat en .

L’homme avait de multiples facettes. Laquelle abordezvou­s dans ce livre J’ai choisi de le voir sous l’angle qui peut paraître le plus évident : son rapport à l’Italie qui redonne une forme de cohérence à la destinée de son personnage dans un temps passableme­nt troublé.

Dans quel contexte est-il passé de l’Italie à la France et en plus à un poste déterminan­t pour son nouveau pays ? Mazarin a moins quitté l’Italie que refusé la domination espagnole. Sa rencontre avec Richelieu, dans les années , fut décisive et l’a convaincu que les intérêts de l’Italie indépendan­te et de la France étaient liés. Pour cela, il quitta Rome en  et ne devait jamais y revenir.

Comment un Italien a-t-il pu acquérir un tel pouvoir, presque absolu en France ? D’abord, pour les Français du temps de Mazarin, l’Italie n’est pas un pays aussi étranger qu’on pourrait le croire. La dynastie royale française est très italienne et une bonne partie de l’élite française maîtrise l’italien et a connu personnell­ement l’Italie. Trois personnage­s ont conforté et augmenté son pouvoir : Richelieu qui l’associe à son gouverneme­nt, Louis XIII qui lui donne la place de Richelieu après la mort de ce dernier et en fait le parrain de son fils – le futur Louis XIV – et enfin Anne d’Autriche qui lui remet la direction du conseil de régence après la mort de Louis XIII.

Son âme italienne lui a-t-elle servi dans ses hautes fonctions en France ? Il n’a en tout cas pas redouté de tenter d’imposer ses goûts culturels au sens large – artistique, musicaux, alimentair­es– à la société de cour française, malgré les critiques et l’aversion qu’elles pouvaient lui valoir. Au plan gouverneme­ntal, il a approfondi l’engagement militaire français en Italie et il a cru dans le destin méditerran­éen de la France. La monarchie a vu en lui un ministre indépendan­t des jeux de clientèles nationaux.

Comment résumeriez-vous son côté italien et son côté français ? Sa pratique politique est un savant mélange de comporteme­nts appris en Italie et de vision stratégiqu­e reçue de Richelieu. Il a été italien par les sens et français par la raison. ◗ «Chantecler»: « Sache donc cette triste et rassurante chose/ Que nul, coq du matin ou rossignol du soir,/ N’a tout à fait le chant qu’il rêverait d’avoir ». Fortement engagé dans le soutien aux soldats français pendant la Première Guerre mondiale, il meurt trois semaines après la fin du conflit, le 2 décembre 1918. Marseille lui réserva des obsèques nationales : un cortège funèbre traversant la ville avec un cercueil recouvert d’un drapeau tricolore, des discours du maire, du préfet, de membres de l’Académie française. Il repose au cimetière Saint-Pierre de Marseille. En 1930, un monument a été inauguré au parc Chanot par Maurice Donnay de l’Académie française. Non, Edmond Rostand n’aurait pas pu dire la même chose que son Cyrano de Bergerac : « J’aurai tout manqué, même ma mort ! » Mazarin L’Italien, par Olivier Poncet, éditions Tallandier, 21 euros.

 ??  ??
 ?? (Photos DR) ?? Edmond Rostand, né le er
(Photos DR) Edmond Rostand, né le er
 ??  ?? Ci-dessus, la maison natale d’Edmond Rostand, dans la rue qui porte son nom.
sa statue au parc Chanot.
Ci-dessus, la maison natale d’Edmond Rostand, dans la rue qui porte son nom. sa statue au parc Chanot.

Newspapers in French

Newspapers from France