PROLOGUE DU CHAMPIONNAT DU MONDE D’ENDURANCE (WEC) AU CIRCUIT PAUL-RICARD « De quoi faire un bon cocktail »
Tout en épaulant Toyota, le groupe Oreca baptise ce week-end au Castellet la Rebellion R13 (LMP1) construite en six mois dans les ateliers voisins. Présentation avec Hugues de Chaunac
Une course vient de s’achever. Une autre commence. « Le week-end de Pâques a été négocié pied au plancher. Trois jours d’assemblage nonstop, avec les cloches et les oeufs dans l’atelier », sourit Hugues de Chaunac, le président du groupe Oreca croisé hier en plein milieu du paddock hyperactif du circuit Paul-Ricard où le championnat du monde d’endurance, alias le WEC, fait son come-back. Après six mois de labeur sans relâche, la « motorsport company », toujours partenaire de Toyota en charge de l’exploitation en piste des TS Hybrid, pointe à l’heure in extremis pour livrer à l’écurie suisse Rebellion le premier des deux prototypes R (catégorie LMP) construits à Signes. À moins d’un mois du top départ de la fameuse super saison -, tour d’horizon avec un patron au four et au moulin...
Hugues, le Prologue du WEC qui revient au Castellet, ce n’est pas pour vous déplaire...
Surtout pas, bien au contraire ! D’abord, le circuit Paul-Ricard possède la piste adéquate pour faire des essais typés endurance. Tous les pilotes et les teams vous le diront : il s’agit d’un parfait terrain d’entraînement. Ensuite, pour Oreca, personnellement, c’est très commode d’avoir cette répétition générale à côté des ateliers. D’autant plus aujourd’hui, au moment ou l’on met en piste un nouveau prototype. L’usine, les machines, sont à deux pas. Donc on a un lien direct, rapide, constant. C’est capital!
Il y a un an, auriez-vous pu imaginer un instant qu’Oreca construirait un proto P pour la super saison suivante ?
Pas une seconde... Normalement, en travaillant dur, il faut quatorze mois pour produire une P. Là, la décision, qui résulte du changement de règlement opéré début septembre , a été très tardive. Bien que l’on soit parti d’une monocoque de P (Oreca , ndlr) ,la Rebellion R est une voiture nouvelle à plus de %. Elle a donc été réalisée en tout juste six mois, au prix d’un investissement énorme de la part de notre équipe, ingénieurs, mécaniciens...
Avez-vous craint à un moment de ne pas pouvoir tenir la cadence ?
Clairement, oui. Le timing était hyper tendu, je le savais. L’hiver a été chaud ! Le respect de l’échéancier dépendait aussi de nos fournisseurs. Tenez, le moteur Gibson n’est arrivé que le mars. On a reçu la boîte de vitesses deux jours plus tard. Quant aux éléments de carrosserie, ils nous ont été livrés dimanche par un transporteur spécial. Tout ça la semaine dernière ! Et les porte moyeux lundi matin... Bref, ce fut une course contre la montre assez haletante, surtout dans l’ultime ligne droite.
Content d’en voir le bout ?
Lundi soir, quand le moteur a démarré, et que l’auto a bouclé ses deux ou trois tours de contrôle, j’ai ressenti une vive émotion et beaucoup de satisfaction. Moment important car les prestataires et partenaires qui nous accompagnent dans cette aventure constatent là que Oreca continue de grandir, de progresser, année après année.
Et maintenant ? Quelle est la priorité ce week-end ?
C’est la première séance d’essais. Donc, logiquement, on ne cherche pas la performance. Il faut d’abord vérifier que tout tourne rond. Moteur, gestion électronique... Les ingénieurs ont établi un plan de travail très précis. À intervalles réguliers, plusieurs éléments sont démontés, auscultés. Le Prologue doit permettre de faire un grand bond en avant en fiabilité, voilà...
Un autre roulage est-il programmé avant la manche d’ouverture à Spa le mai ?
Oui, direction Magny-Cours ce mois-ci pour une séance plus axée sur la performance. Ensuite, les Heures de Spa vont arriver très vite. Les Heures du Mans aussi (- juin) .Sile chemin qui nous sépare de cette date majuscule est court, on compte tout de même quelques atouts de poids. Je pense par exemple à l’expérience acquise sur nos LMP. Mais aussi aux solides trios de pilotes constitués. Deux d’entre eux, André Lotterer et Neel Jani, viennent de chez Porsche. Avec Oreca, et Rebellion, il y a quand même de quoi faire un bon cocktail, non ?
Que pensez-vous de cette super-saison - unique en son genre ?
Le remodelage du calendrier nécessitait une transition. A l’avenir, le championnat débutera en septembre et s’achèvera en juin, au Mans. Un changement judicieux, me semble-t-il. Dans l’immédiat, on part pour un long chemin. En espérant que l’ACO (Automobile Club de l’Ouest) et la FIA (Fédération Internationale de l’Automobile) fassent ce qu’il faut dans le but d’obtenir un juste équilibre entre les protos P hybrides et non hybrides.
Et pour faire revenir les constructeurs en endurance, que doivent-ils décider selon vous ?
Le premier maître mot, c’est budget ! Audi, Porsche et Toyota ont jonglé avec des technologies très coûteuses, démentielles. Aujourd’hui, une baisse drastique s’impose. Ensuite, à mon avis, mieux vaudrait cibler et séduire des constructeurs sportifs et non généraliste : McLaren, Aston Martin, Ferrari, Maserati... Des noms prestigieux qui ne peuvent pas injecter dans la compétition autant de moyens que les géants de l’industrie automobile. Si l’on s’engage sur cette route, Oreca aura sûrement un rôle à jouer en partenariat avec une telle firme.
En attendant, Oreca poursuit sa collaboration avec Toyota... qui voit se profiler une occasion en or de triompher enfin au Mans. Est-ce la bonne année ?
Pour enregistrer un nouveau revers, là, il faudrait vraiment un concours de circonstances incroyables. Les Japonais ne peuvent pas l’envisager. Les Japonais et les autres. Personne n’y songe.
Y a-t-il des changements dans l’approche, la méthode ?
Oui, Toyota s’est penché sur certains paramètres perfectibles. Je pense notamment à la durée des interventions. Au Mans, si on s’arrête, il faut pouvoir réparer vite. Tout doit être accessible, maniable... Concernant la performance, ils l’ont, donc rien à modifier.
Fernando Alonso?
Qu’il fasse le championnat entier, c’est super pour la discipline. Pour Toyota, en particulier, son arrivée constitue une source de motivation supplémentaire. Quand vous accueillez un « Monsieur » comme lui, il faut monter le niveau d’exigence d’un cran.
Une baisse drastique des coûts s’impose”
Avec Toyota, Rebellion et les P « made in Var », vous avez de fortes chances de réaliser un tir groupé historique au Mans. D’accord ?
On croise les doigts. Je m’attends en effet à vivre une semaine intense. Stressante. En lorgnant le drapeau à damier avec impatience et gourmandise...