La mode de l’orientalisme au XIXe
Au XIXe siècle, l’orientalisme » est à la mode. Cette mode a été suscitée par la campagne d’Égypte de Bonaparte, qui s’est déroulée de à au départ du port de Toulon, et à laquelle a participé le héros de notre récit, Jules Lascaris, mais aussi par la colonisation de l’Algérie faite, elle aussi, au départ de Toulon à partir de . Les écrivains et les peintres ont suivi les pas des militaires. C’est ainsi que dès , Chateaubriand s’embarque pour un périple qui donnera lieu à son important ouvrage Itinéraire de Paris à Jérusalem. Cet ouvrage influencera Victor Hugo dans le recueil des quarante et un poèmes intitulés Orientales. Trois grands écrivains
Le récit de Fatallah, le voici : « C’est en 1808 que j’ai connu Monsieur Lascaris à Alep en Syrie. Il me donna un violon, je lui appris l’arabe. Il avait l’air d’un fou : une barbe longue, un turban sale, une robe mauvaise, une ceinture de cuir, point de bas. Il m’acheta des marchandises pour 11 000 piastres et nous partîmes faire du commerce, portant au col un fil enduit d’une préparation qu’il avait faite avec du mercure, de la graisse, et je ne sais quoi et qui devait nous empêcher d’être piqués par des insectes. » Lascaris et Fatallah se mirent en route en 1810. Ils atteignirent Hama en Syrie où ils furent arrêtés et « enfermés dans une prison pleine de puces ». A Homs, plus au sud, toujours en Syrie, « Lascaris acheta de nouvelles marchandises ». À Sadad, encore plus au sud, près de la frontière avec le Liban, « Lascaris se fit appeler Cheik Ibrahim pour être moins mal vu des bédouins et des Turcs et Fatallah devint Abadallah l’écrivain.» Ils atteignent ensuite Palmyre, Damas et Bagdad. « C’est à Damas, raconte Fatallah, que Lascaris m’annonça qu’il était espion pour Napoléon. »
Amoureux de la nièce du Premier ministre britannique
À Bagdad, ils rencontrent lady Esther Stanhope. Cette aventurière n’est autre que la nièce du Premier Ministre britannique William Pitt. « Jeune, belle et riche », elle hante les régions de Jérusalem, Damas, Alep, Homs, Baalbeck, Palmyre. Elle a français publient chacun leur Voyage en Orient : en Lamartine, qui fait l’objet de notre récit ; à partir de le poète Gérard de Nerval, parti construit dans les montagnes du Liban un palais entouré de jardins et a acquis auprès des druzes une réputation de prophétesse. Jules Lascaris tombe amoureux d’elle. Il s’installe au palais avec Fatallah. Mais la prophétesse se lasse de sa présence et finit par le renvoyer. Il remonte alors toute la côte est de la Méditerranée, traverse la Turquie et arrive avec Fatallah à Constantinople. Il retrouve là le général Andreossy, qu’il a connu pendant la campagne d’Égypte, et que Napoléon a placé comme ambassadeur en Turquie dans cette zone si importante au plan stratégique. Le général Andreossy lui apprend une mauvaise en Égypte, au Liban, en Syrie et en Turquie ; en Flaubert, qui est allé en Syrie et en Palestine. Flaubert se rendra à nouveau en Tunisie en , où il aura l’inspiration pour son célèbre roman Salammbô. À partir de , Théophile Gautier voyage en Algérie, puis en Turquie et en Égypte. Il en ramènera son célèbre Roman de la momie. Les peintres comme Ingres ou Delacroix se mettent aussi à l’orientalisme, exaltant les mystères, la sensualité, les couleurs, les chatoiements de ces pays des Mille et une nuits.
nouvelle : Napoléon a été mis en échec en Russie. La Bérézina ! La chute probable de l’Empire. Adieu les rêves de Lascaris d’une conquête de l’Afrique par Napoléon !
Son empoisonnement n’a jamais été prouvé
La fin de la vie de Jules Lascaris fut triste. Il revint en Égypte, au Caire, où il fut accueilli par le consul de France Bernardo Drovetti. Drôle de personnage que ce Drovetti ! Personnalité trouble, aventurier, amateur d’art, pillard sans scrupule des trésors de l’Égypte antique… dont une partie de la collection constituée frauduleusement se retrouve aujourd’hui au musée du Louvre à Paris ! On prétend aussi qu’après son passage à Nice, des pièces auraient disparu du musée d’Histoire naturelle de la ville ! Drovetti présente Lascaris au vice-roi d’Égypte Mehemet Ali. Notre Niçois Lascaris deviendra professeur de français d’Ibrahim, fils de Mehemet Ali. Lorsque Jules Lascaris mourut au Caire en 1817, certains estimèrent qu’il avait été empoisonné pour avoir pris trop d’ascendant sur l’enfant du vice-roi. Cela n’a jamais été prouvé. L’histoire de cet étrange aventurier niçois s’arrête là. Elle enrichit la galerie des héros de notre région. Mais on ne saura jamais ce que cette histoire doit exactement à la vérité historique, à la vantardise d’un accompagnateur égyptien ou à l’imagination d’un des plus grands poètes français. La famille Lascaris va alors se retrouver dans notre région grâce à Eudoxie, fille de l’empereur Théodore II et soeur de Jean IV. En , elle épousa en effet, à l’âge de ans, le comte Guillaume Pierre de Vintimille (-), seigneur de Tende. Ce mariage va sceller l’alliance entre deux grandes maisons et donner les comtes Lascaris de Vintimille. Béatrice Lascaris de Tende (-), arrière petite-fille de la précédente, est célèbre pour son destin tragique. Ayant vécu son enfance et sa jeunesse au château de Tende, elle fut mariée au duc de Milan Filippo Visconti. Son mari étant tombé amoureux d’une autre femme, l’accusa à tort d’adultère pour se débarrasser d’elle. Elle sera condamnée et décapitée. Son histoire a inspiré un opéra célèbre au compositeur Bellini, « Béatrice de Tende ». Né à Castellar en , Jean-Paul Lascaris fut nommé en le Grand maître de l’ordre de Malte. Durant son règne, il dut gérer de nombreux problèmes diplomatiques, et déjouer entre autres les entreprises du pape Urbain VIII, du roi de Pologne Ladislas IV. Il combattit avec succès les corsaires et les Ottomans. Il acquit en l’île Saint-Christophe aux Antilles pour la Compagnie française des Indes. Il est mort à Malte en à ans.