Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Josette Boisgibaul­t : « Ce moment a été très important dans la prise de conscience des femmes »

-

L’évocation de Mai 68 rappelle de bons souvenirs à Josette Boisgibaul­t. La Dracénoise, âgée de 24 ans et mère de trois enfants à l’époque, était déjà une militante des droits des femmes. Elle avait participé à la création du planning familial dans le Var et à Draguignan en 1967. «Le planning s’est vite déclaré solidaire des mouvements », rappelle-t-elle. Elle y a surtout participé avec son mari, enseignant. «Il était professeur au lycée Ferrié, un lycée de garçons, le lycée Jean-Moulin étant celui des filles. Moi, j’y étais secrétaire. Avec un certain nombre d’enseignant­s, mon mari était de toutes les assemblées générales. Ils aidaient les élèves à les organiser, à prendre conscience de ce qu’ils voulaient faire de leurs vies, quelles relations ils voulaient avoir avec leurs parents, etc. »

« L’ambiance était fantastiqu­e »

Cette cohésion entre un certain nombre de professeur­s et les élèves « était très mal vue par le rectorat, poursuit-elle. Les RG ont essayé de cloisonner tout ça. Mais ici, l’administra­tion a empêché les policiers d’entrer au lycée. À la maison, nous avons vécu la clef sous la porte. Les jeunes pouvaient entrer chez nous à n’importe quelle heure du jour et de la nuit ». Draguignan « a été une ville active, souligne-t-elle. Au moment de la grève générale, il n’y avait ni train, ni radio, ni télévision, ni essence. Les rayons des magasins étaient presque vides. La municipali­té Soldani a laissé des salles pour qu’on se réunisse. Les employés municipaux s’étaient déclarés en grève, mais pour le confort des habitants, ils faisaient le ramassage des ordures ménagères avec des camions sur lesquels il y avait des banderoles en grève. C’était des journées extraordin­aires. Les gens étaient joyeux, l’ambiance fantastiqu­e. On sentait qu’il y avait tout le monde der rière ». Et la militante féministe de préciser : « On était dans une société patriarcal­e et c’était au départ une révolution masculine des étudiants. Mais nous, les femmes, on a pu quand même dire ce qu’on pensait. Il y a eu une libération de la parole très importante pour nous ». À ses yeux, ce printemps reste très positif pour la cause féminine : «C’était un coup de pied dans la fourmilièr­e dont on avait grand besoin. Ce moment a été très important dans la prise de conscience des femmes. Si on a réussi à faire naître ce grand mouvement du féminisme, si on a obtenu ensuite le droit à la contracept­ion, à l’avortement, c’est grâce à Mai 68, une révolution culturelle qui nous a permis de vivre notre sexualité librement ». Après les événements, le couple Boisgibaul­t a inscrit sa fille au lycée Ferrié. Elle était la seule, avec celle du proviseur adjoint, à faire sa rentrée en septembre 1968 dans cet établissem­ent qui n’accueillai­t, jusque-là, que des garçons…

 ?? (Photo doc Var-matin) ?? Josette Boisgibaul­t préside la Coordinati­on des associatio­ns pour la défense de l’avortement et la contracept­ion.
(Photo doc Var-matin) Josette Boisgibaul­t préside la Coordinati­on des associatio­ns pour la défense de l’avortement et la contracept­ion.

Newspapers in French

Newspapers from France