Claude Mainfroi :
« L’ambiance était formidable. D’en parler aujourd’hui, j’en ai la chair de poule »
(Photo Patrick Blanchard) Les cheminots ont largement participé au mouvement initié par les étudiants et lycéens. Claude Mainfroi, 30 ans cette année-là, s’en souvient comme si c’était hier: « J’étais responsable de la CGT en gare de Toulon. Mon engagement date de 1960, j’ai été élu délégué du personnel en 1963 ». Lorsque le 10 mai, l’union des syndicats appelle à la grève générale dans le pays le lundi 13 mai, « on s’est retrouvé 10 000 à manifester ce jour-là à Toulon. Le vendredi suivant, après une réunion départementale, un copain vient me chercher à 21 heures pour me dire que les mécaniciens se sont arrêtés de travailler. Des gens faisaient les trois huit. Certaines personnes sont restées bloquées trois jours à Toulon». Le lundi 20 mai, les cheminots ont décidé de fermer la gare. «On l’a mise sous scellés et occupée. Personne ne pouvait entrer. On se relayait pour faire des tournées dans la gare. On a pris soin de maintenir les installations en bon état. On a tenu la gare du 20 mai au 10-12 juin. » Une période durant laquelle il enchaîne «avec les collègues les manifestations et les discussions avec le chef de gare ». Les revendications étaient nombreuses, comme il le rappelle : « Nous travaillions six dimanches sur sept, sur de passer à 48 heures pour relever le pays. On a enclenché le processus de baisse des heures en 68 pour redescendre. Ce n’est qu’en 1980 qu’on a obtenu les 40 heures. Voilà le cheminement », s’interrompt Claude Mainfroi. Ce dont il est surtout nostalgique, c’est de la solidarité générale. «L’ambiance était formidable. les manifestations, mais de mémoire, je n’ai pas vu d’affrontements comme à Paris. Cette période a été une découverte. Et l’expérience m’a marqué. » Comme l’a marqué, des années plus tard, la perte de tout ce qui touche à ce printemps agité et solidaire. « En 1984, lors d’une rénovation de la gare de Toulon, nous avions demandé à l’entreprise chargée de la démolition de ne pas toucher à nos archives. Hélas, tout a disparu, c’est mon gros chagrin, explique-t-il. Je n’ai plus que deux ou trois photos de cette époque. Sur l’une, qui est en fait la copie du journal, on voit une manifestation à Toulon. Je suis dans le cortège boulevard de Strasbourg .» Claude Mainfroi a conservé sa fibre syndicale. En février dernier, il faisait partie du comité d’accueil qui attendait Guillaume Pepy, le patron de la SNCF, en visite à Toulon. Pour le retraité, la bataille du rail continue...