Signé Roselyne
Mardi
La vacuité de certains commentaires sur le voyage officiel du président de la République aux Etats-Unis laisse perplexe. Les médias glosent à l’envi sur des gestes de convivialité, embrassades ou tapes cordiales. On entend même une spécialiste du comportement des grands singes invitée sur un plateau pour commenter le geste de Donald Trump époussetant le revers de la veste de Macron et le comparant à l’épouillage pratiqué par les primates! L’animateur garde quand même quelques secondes pour les divergences à propos de l’accord sur le nucléaire iranien mais on lit dans son regard qu’il ne faut pas s’attarder sauf à faire baisser l’audimat. Pourtant ce qui se passe n’est pas une banale polémique conduite par une volonté de puissance ou d’influence. La politique américaine, intérieure et étrangère, est structurée par un soutien total et inconditionnel à l’état d’Israël et le conflit israélo-palestinien a mené pendant des décennies l’agenda diplomatique largement au-delà du cadre du Moyen-Orient. Aujourd’hui, la vérité est terrible pour les Palestiniens: les états arabes les ont lâchés, la gauche israélienne qui prônait un politique équilibrée à leur égard est laminée, l’extrême-droite fait voter à la Knesset des textes non plus de colonisation mais d’annexion des territoires qui leur avaient été dévolus et ceci dans l’indifférence générale. Le conflit majeur est celui qui oppose les chiites menés par l’Iran et les sunnites. Les monarchies sunnites du Golfe ont compris que dans cette région minée par les guerres d’Irak, de Syrie, le conflit kurde et le djihad de Daesh, il n’y avait qu’Israël de sérieux pour s’opposer à l’Iran chiite. Toutes les alliances se sont effacées comme des pas sur le sable du désert. Oublié le soutien au Hamas exténué, oublié le financement au Califat en déroute ! D’un côté, nous avons donc maintenant en face-àface Israël appuyé par Ryad et les Américains, de l’autre l’Iran, l’arc chiite méditerranéen et les Russes. C’est une question de vie ou de mort qui se joue. A Téhéran, Gassem Soleimani, le chef de l’unité d’élite des Gardiens de la Révolution a fait de la destruction d’Israël sa feuille de route. Il est plus que temps que Donald Trump réalise qu’une démarche jusqu’au-boutiste fait le jeu des faucons de tout poil. Même Tsahal, l’armée israélienne, a souligné le danger d’un abandon de l’accord de qui laisserait alors les mains libres aux tenants de la nucléarisation de l’armée persane. Si le président américain a raison de dire que le Traité sur le nucléaire iranien est mauvais ou insatisfaisant, y renoncer serait un remède pire que le mal. Emmanuel Macron ne pouvait pas faire fléchir Donald Trump, muré dans ses certitudes et ses soutiens au Congrès. A tout le moins, espérons que la parcelle de doute qu’il a tenté d’instiller portera ses fruits.
Jeudi
La polémique fait rage après une tribune
parue dimanche dernier dans le Parisien et dénonçant « un nouvel antisémitisme ». Dans Le Monde paru aujourd’hui, trente imams «indignés» rejoignent en partie cette analyse et dénoncent la tentation mortifère d’une jeunesse musulmane ignorante. Cette tribune marque une rupture bienvenue. Sans ambages, des dignitaires musulmans reconnaissent qu’il y a un antisémitisme lié à une lecture extrémisée du Coran et rejoignent ainsi les travaux d’Olivier Galland et Anne Muxel dans leur étude La tentation radicale (Ed. Presses universitaires de France). Ils engagent les imams «éclairés» à prodiguer un contrediscours contre toutes les formes d’extrémisme menant au terrorisme. Saluons ces propos tardifs qui font preuve de courage et de lucidité, mais qui ne marquent qu’une première étape. Il faudra aller plus loin, beaucoup plus loin… Il faut dire que les auteurs de la tribune du Parisien n’ont pas fait dans la dentelle. Il est impérieux de dénoncer des crimes perpétrés contre des personnes au seul motif de leur religion, humiliations, injures, violences allant jusqu’à des actes de barbarie, tortures suivies d’assassinat et de signaler que ces exactions abominables frappent essentiellement les juifs et sont commis par des criminels se réclamant tous de la religion musulmane. Toutefois et comme toujours, les généralisations et les approximations attisent les haines plus qu’elles ne les apaisent. Etait-il nécessaire par exemple de parler d’épuration ethnique, confondant ainsi des abominations relevant d’individus isolés avec des crimes d’état? De sous-entendre que l’antisémitisme ne relèverait aujourd’hui
que de l’Islam alors qu’il ressurgit partout en Europe dans les courants identitaires? D’en appeler à frapper d’obsolescence certains versets du Coran, alors qu’il n’y a pas de clergé islamique susceptible de mener un tel aggiornamento? Certains ont même soutenu qu’entraînés par le bien-fondé de leur cause, les signataires l’avaient desservie. Malgré ces erreurs ou ces outrances, je ne partage pas cet avis : le débat méritait d’être lancé pour que chacun, sans faux-fuyant, mène son examen de conscience.
Vendredi
Il est bien trop tôt pour savoir s’il conviendra de remettre un Prix Nobel de la Paix à Messieurs Kim Jongun et Moon Jae-in, les présidents des deux Corées qui amorcent une réconciliation inattendue. J’avoue que ce Kim ne m’inspire aucune confiance et qu’il devra donner à la communauté internationale d’autres gages que quelques risettes coincées. Quand on voit les crimes dont il a émaillé son parcours, allant jusqu’à faire assassiner une ex-fiancée, son oncle et sa tante, faisant exécuter au canon anti-aérien (!) son ministre de la défense accusé de s’être endormi pendant une parade militaire, passant par les armes une cinquantaine de personnes qui auraient simplement regardé des programmes de télévision occidentaux, vous me pardonnerez de ne pas céder à la «Kim-mania». Ce type reste ce qu’il est : un dictateur psychopathe, sans doute amené momentanément à résipiscence par la situation économique catastrophique dans laquelle il a luimême plongé son pays. Le président
Moon fait preuve d’une équanimité qui l’honore et il a sans doute raison de tenter d’amadouer cet histrion prêt à appuyer sur le bouton nucléaire. Pour autant, il ne lui faudra pas baisser sa vigilance. Quant à Donald Trump, qu’il prenne garde également à ne pas se parer des plumes du paon. Cette esquisse de rapprochement ne lui doit rien, bien au contraire. La balourdise et la grossièreté dont il a fait montre avec Emmanuel Macron en début de semaine pourraient bien envenimer un rapprochement qui doit se construire avec finesse et circonspection, deux qualités qui ne sont pas son fort…
Samedi
Il faut saluer le plan «banlieues» proposé par Jean-Louis Borloo. C’est un travail dense et pertinent, mené en collaboration avec des élus et des associations de terrain. J’entends les sceptiques professionnels qui se moquent ou les tenants de l’orthodoxie budgétaire qui pointent le coût des différentes mesures. Pour financer, la méthode est robuste et porte un nom : la péréquation. Une décentralisation sans pilote a creusé les inégalités entre les territoires, c’est à l’Etat qu’il conviendra de rétablir la justice. On accuse Emmanuel Macron de vouloir recentraliser. S’il est un domaine où cette démarche a toute sa légitimité, c’est bien dans le domaine des dotations financières à condition toutefois de laisser ensuite l’initiative aux acteurs locaux pour ce qui relève de leurs compétences. Il conviendra ensuite de ne pas «se servir » dans ce plan au gré d’opportunités politiciennes. Il mérite d’être mis en oeuvre dans son intégrité, tant pour la première fois, il met l’humain au coeur de la politique. Le Président de la République a là une belle occasion de quitter l’habit de « président des riches » qui lui colle à la peau.
« Sans ambages, des dignitaires musulmans reconnaissent qu’il y a un antisémitisme lié à une lecture extrémisée du Coran. »