Sporting Toulon : la passion plus forte que les galères
Des chaudrons de l’élite aux stades de quartier, les supporters du club de foot toulonnais ont tout connu. Les « ultras » célèbrent aujourd’hui les trente ans de leur mouvement De la D à la DH, ils ont tout connu
Notre passion n’a pas de division ». En trente ans de « supporteurisme actif », les amoureux du Sporting ont appris à être philosophes. Il faut dire que depuis le début des années , l’histoire du principal club de foot varois a connu davantage de bas que de hauts. « On est a priori le seul club au monde qui a fait faillite trois fois», résume Thierry Garcia, un vieux de la vieille, qui a fait quelques recherches sur la question. Pourtant, vingt années d’amateurisme à affronter des clubs anonymes dans des stades sans âme, n’ont pas suffi à étouffer totalement la passion de quelques irréductibles. Le Sporting possède encore aujourd’hui un socle de supporters investis, et sans doute des milliers d’autres, qui n’attendent qu’une étincelle pour vibrer à nouveau. Aujourd’hui, alors que le Sporting accueille Hyères pour son dernier match à domicile de la saison, supporters d’hier et de toujours vont commémorer les trente ans du mouvement ultra à Toulon. En attendant des jours meilleurs.
: naissance au paradis
Une équipe de guerriers aux noms restés célèbres (Ginola, Casoni, Dib, Paganelli…), une présence régulière en haut de tableau de la première division, des derbys électriques avec ses grands voisins niçois et marseillais… Au milieu des années 1980, Toulon est une place forte du football hexagonal. Dans les travées de Mayol, l’ambiance est déjà chaude. « Il y avait du monde, des chants et même des fumigènes. Mais rien de très organisé », rembobine Thierry Garcia, fidèle du Sporting depuis 1983. Avec quelques copains de tribune, ils décident de prendre les choses en main. Et vont chercher l’inspiration de l’autre côté des Alpes. « On est allé voir un derby à Milan. Quand on a vu la ferveur, les chants et l’ambiance survoltée, on a su que c’est ça qu’on voulait faire. » Quelques semaines plus tard, le premier groupe « ultra » de Toulon voit le jour : les South Wolf’s. Ces tifosi à la française se regroupent dans la tribune, agitent drapeaux et banderoles, reprennent les chants entonnés au mégaphone par le « kapo » et préparent des « tifos » (animations d’avant match). Rapidement, les Wolf’s sont rejoints en tribune populaire par les Rastas du Bronx, tandis qu’en face – en Delangre – naît la Brigade Azur et Or. « On voulait reproduire l’ambiance que l’on voyait dans certains grands clubs européens et surtout italiens », explique Manu Trigo l’un des fondateurs. On avait 16-17 ans mais on s’occupait de tout: de l’animation jusqu’à l’organisation des déplacements en car… » Les supporters ne s’en doutent pas encore, mais ils vivent alors leur âge d’or : appréciés à Toulon et respectés dans l’univers des ultras.
: rebond au purgatoire
Tout bascule en quelques semaines. La relégation sportive du Sporting s’accompagne d’une rétrogradation administrative sur fond d’affaires et de caisse noire. « C’est la douche froide », se souvient Manu Trigo. Le club repart en 3e division et les effectifs des supporters ont été divisés par dix. Les trois groupes décident alors de s’unir sous une même bannière : les Irréductibles. Désormais constitué de supporters expérimentés, le groupe assure une ambiance de haut niveau en tribunes. Mais continue à s’aguerrir au contact de ses amis italiens. « Notre école, c’était clairement le Genoa (un des deux clubs de Gênes, Ndlr). À l’époque, il n’y avait pas Internet pour échanger. Nous y allions donc une fois par mois, pour voir ce qu’ils faisaient pour nous en inspirer », se souvient Manu Trigo. Le « kapo » résume la philosophie qui a fait la réputation des IRD93 : « Créer un supporteurisme actif, qui pèse sur le match, tout en restant un groupe ouvert à tous dans une tribune où l’on peut venir avec sa femme et ses enfants »
: début de l’enfer
Après deux saisons en D2, de nouvelles difficultés financières viennent achever le club à la fin des années 1990. Après quelques soubresauts, il est liquidé et l’équipe repart en Division d’honneur (sixième niveau national). « Le coup était tellement dur que tout aurait pu s’arrêter là, confie Thierry Garcia. Mais comme à chaque fois, des jeunes ont repris le flambeau ». Les Irréductibles et désormais les Fedelissimi continuent de pousser leurs joueurs à domicile comme à l’extérieur. Péniblement, le club parvient à remonter en National (deux saisons de 2005 à 2007) mais renoue rapidement avec ses vieux démons. Des difficultés financières font replonger le club une nouvelle fois en Division d’honneur. Encore une fois, une poignée de jeunes reprend la main et maintien la tradition toulonnaise. Au point que le Sporting peut se targuer de disposer de quatre groupes : les Fedelissimi, le Bloc D, « Du passé, je suis amoureux » et Old clan.