Le livre du jour
Les engagés de la République
Deux croisés des droits de l’homme, une incarnation complémentaire du combat. Lui avocat engagé en politique, elle historienne, philosophe et inflexible laïcarde. A travers l’histoire du couple Badinter, Alain Frerejean, qui fut l’élève de Robert Badinter à la faculté de droit, retrace « une certaine idée de la France ». Après avoir épousé l’actrice Anne Vernon en 1957, Robert Badinter, aujourd’hui âgé de 90 ans, s’est remarié avec Elisabeth, fille du publicitaire Marcel Bleustein-Blanchet, de seize ans sa cadette, en 1966. Ils auront trois enfants les années suivantes. Leur vie est dénuée de contraintes matérielles: ski à Val-d’Isère, voile à Carnac… Après une série de récits historiques, Elisabeth Badinter se penche sur la condition féminine et les relations entre les sexes. Féministe critique ! Elle déplore les effets pervers du féminisme à tous crins et la volonté d’imposer la parité sous forme de quotas. Surtout, elle se place résolument en première ligne contre les communautarismes. Elle dénonce le port du voile par des collégiennes à Creil en , se mobilise ensuite dans l’affaire de la crèche Baby-Loup. « Elle est une battante, pas toujours facile », selon l’expression de François Mitterrand. L’ancien chef de l’État fut proche des Badinter. Ils partageaient la même fascination pour Venise et l’Egypte, où ils se rendaient de conserve. Le couple Badinter était dans le secret pour Mazarine. C’est même Elisabeth qui a tapé, sur sa machine à écrire, son acte de reconnaissance par François Mitterrand.
L’icône de l’abolition
Le parcours de Robert Badinter fait désormais partie de la « bible » républicaine. L’exécution en 1972 de Claude Buffet et Roger Bontems, qu’il défendait, scelle l’engagement de sa vie. En 1977, il parviendra cette fois à sauver de la peine de mort Patrick Henry, le meurtrier du petit Philipe Bertrand, âgé de huit ans. Devenu ministre de la Justice, il fera abolir la peine de mort le 30 septembre 1981 à l’Assemblée nationale, par 363 voix contre 114. Socialiste par amitié pour Mitterrand davantage que par esprit d’appareil, il s’emploiera également, cinq ans durant place Vendôme, à humaniser les conditions de détention. Il substituera les travaux d’intérêt général aux courtes peines de prison et mettra fin au délit d’homosexualité institué par le gouvernement de Vichy. Garde des Sceaux qui restera dans l’Histoire, il fut un ministre chahuté. « J’ai connu trois ans de haine de 1981 à 1983, j’avais droit à des torrents d’infamie, je recevais des lettres antisémites, au restaurant j’étais pris à partie. »
Robert et Elisabeth Badinter, deux enfants de la République, éditions de L’Archipel, 315 pages, 20 euros.