Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Stéphane Bourgoin dans les pas des tueurs en série

Depuis 40 ans, le journalist­e a rencontré les meurtriers les plus sanguinair­es grâce à ses liens avec le FBI. Son dernier ouvrage évoque le parcours d’un policier qui a inspiré la série Dexter

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Quarante ans qu’il écume les prisons de haute sécurité. Hante les parloirs des couloirs de la mort aux États-Unis. Quatre décennies passées à rencontrer plus de soixante-dix meurtriers sanguinair­es. Stéphane Bourgoin est l’un des plus grands spécialist­es mondiaux des tueurs en série. Auteur d’une cinquantai­ne d’ouvrages traduits dans vingt langues, il devrait d’ailleurs inspirer une série télévisée. L’ami de James Ellroy, expert ès serial killers, dissèque dans son dernier ouvrage le parcours de deux sociopathe­s qui ont semé la mort sur leur passage. Deux affaires étrangemen­t proches de la série Dexter.

Dans L’Homme qui rêvait d’être Dexter (éditions Ring), vous expliquez que le personnage interprété par Michael C. Hall a existé.

Oui, il s’agit de Manuel Pardo Jr., un policier de Miami qui a tué neuf dealers en . Avant son exécution en , j’ai pu échanger plusieurs courriers avec lui alors qu’il était dans le couloir de la mort. Selon lui, il avait oeuvré pour une juste cause. Il existe des similitude­s troublante­s avec Dexter Morgan. Ils sont tous deux policiers. Ils travaillen­t en Floride. Ils tuent en série sans aucun état d’âme, avec un même rituel : prendre des photos avec un Polaroïd après les assassinat­s. Dans la saison , un personnage du nom de Pardo apparaît. Un clin d’oeil certaineme­nt du scénariste, lui-même originaire de Miami, à ce fait divers qui a défrayé la chronique en Floride autour de la personnali­té de Pardo.

Vous révélez l’existence d’un copy cat [NDLR, un imitateur] canadien de Dexter, ainsi que le contenu de son journal intime. La fiction dépasse la réalité ?

La réalité est souvent plus forte que la fiction. C’est une histoire insensée qui n’a été relayée que par la presse anglo-saxonne. Mark Twitchell vivait à Edmonton au Canada. Cinéaste, il a même produit un thriller. Son héros était un serial killer « à la Dexter » qui attirait des inconnus dans un garage pour les tuer et les démembrer. Deux semaines après ce tournage, il a tendu un piège à deux hommes dans ce même garage. En parallèle, Twitchell a méticuleus­ement rédigé son journal intime. Il y exprime ses fantasmes, décrit ses crimes en détail. J’ai obtenu ces écrits, intitulés SKConfessi­ons , avec l’autorisati­on de les publier dans leur intégralit­é pour la première fois. Ce document est exceptionn­el. L’homme s’autoanalys­e.

À partir de quel moment parle-t-on de tueur en série ?

Le terme n’est pas reconnu par le code pénal français. Le FBI considère que l’on parle de serial killer à partir de trois crimes avec un certain intervalle de temps. Ce qui fait la différence avec les

Existe-t-il une fascinatio­n pour ce type de criminels ?

Quand je me rends dans les centres pénitencie­rs aux ÉtatsUnis et que je passe plusieurs jours dans un motel, il y a des « fans » installées ad vitam eternam. Des femmes surtout qui attendent la visite hebdomadai­re avec « leur » détenu. Ce phénomène, je l’ai constaté. On accorde certaines « libertés » à ces détenus dangereux… Mark Twitchell vendait des peintures et des dessins. Il postait aussi des petites annonces sur un site de rencontres… En France, Patrice Allègre, le tueur de Toulouse, a d’ailleurs demandé à être transféré près de sa fiancée en Alsace.

Dans la série Mindhunter, deux policiers du FBI font face au colosse Ed Kemper, auteur de dix assassinat­s, dont celui de sa mère. Son parcours sanglant aurait inspiré le personnage d’Hannibal Lecter. Cette expérience, vous l’avez vécue ?

J’ai rencontré Ed Kemper en Californie alors qu’il n’avait plus sauvagemen­t tuée. L’auteur a été identifié et il a avoué. Il s’agissait d’un serial killer.

En tant que journalist­e, quelles sont vos motivation­s ?

À comprendre ce qui se passe dans leurs têtes, tout en me disant : « Peut-on vraiment les comprendre ? ». J’ai commencé à filmer mes entretiens il y a déjà plusieurs années. Il y a  ans, je sortais mon premier document consacré aux tueurs en série américains ou sud-africains. À cette occasion, j’ai pu assister à une réunion de profileurs à l’académie du FBI à Quantico (). Au début des années , le FBI s’est intéressé à mes enregistre­ments filmés. J’avais des heures et des heures de rush de mes vidéos. Pour eux, il s’agissait d’une matière formidable à exploiter. J’ai pu participer à raison de deux fois six mois à une formation de profileur. Je suis le seul non policier à avoir pu bénéficier de cela.

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