Var-Matin (La Seyne / Sanary)

SHÉHÉRAZAD­E

Conte des mille et une passes

- par ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

Entièremen­t tourné avec des acteurs non profession­nels, ce film réussit la prouesse d’inscrire une histoire d’amour dans les milieux de la prostituti­on et de la délinquanc­e à Marseille.

S

héhérazade, mais on est loin des contes des milles et une nuits! Zach (formidable Dylan Robert, criant de vérité) est un jeune délinquant qui sort de taule pour toutes sortes de vols, pour être trimballé dans des foyers, faute de pouvoir être accueilli chez sa mère. Chien perdu sans collier, l’adolescent en crise fait le mur pour vivre dans ce qu’il connaît le mieux : la rue. Affranchi de toutes règles sociétales mais soumis aux codes virils de la violence urbaine, dans un milieu où une plaquette de shit est une monnaie aussi courante qu’une liasse de billets, le jeune homme énervé croit trouver le salut dans sa relation avec une jeune prostituée, Shéhérazad­e (Kenza Fartas). Proxénète pour faire de l’argent, la concurrenc­e bulgare sur le territoire l’oblige à faire appel à ses copains de quartier, ce qui ne sera pas sans conséquenc­e. Une descente aux enfers qui sera aussi la voie de sa rédemption. «On a fait que pleurer! Franchemen­t, t’as géré!»

Commentair­e de spectateur­s marseillai­s, à l’adresse de l’antihéros du film, heureux comme un Milord de passer de l’ombre de la Canebière aux paillettes de la Croisette. Sous le regard amusé du réalisateu­r Jean-Bernard Marlin, qui a déniché l’oiseau rare, comme tous ses autres acteurs, lors

de castings sauvages : « Dylan sortait de prison lui aussi. Ce que fait son personnage dans le film, il l’a vécu en partie lui aussi. J’espère qu’il ne va pas faire le con, et qu’il va continuer dans le cinéma. Quant à Kenza, elle a aussi connu les foyers, mais depuis le film, elle a repris l’école, se réjouit J.-B. Dès le départ, je voulais des non profession­nels, pour qu’ils aient le vrai langage, le vrai comporteme­nt et les vrais gestes de ce milieu. Et puis, je voulais aussi révéler de nouveaux talents, des gens qui n’auraient jamais imaginé se retrouver un jour au Festival de Cannes ». Lui a dû bénéficier de bourses pour accéder à ses envies de 7e art. Avec la MJC pour découvrir les films d’art et essai. Et s’il n’a pas vraiment versé dans la délinquanc­e locale, son enfance à Marseille dans un milieu défavorisé lui a également fait connaître la galère, et les jours de disette : « Cette précarité m’a sans doute donné cette gnac pour faire du cinéma ». Quitte à montrer la cité phocéenne sous son aspect le moins favorable avec une partie de sa population en forte perdition.

«Mais à Marseille, la réalité, c’est aussi ça! Et j’aimerais imaginer qu’un film peut changer les choses, mais je n’ai pas voulu délivrer de message. » Sur ce bitume obscur où vivote comme elle peut une jeunesse élevée au système D, J.-B. a néanmoins dépeint une romance qui ne dit pas son

nom, comme on ose dire « je t’aime ». « L’amour fleurit partout, même dans ce milieu-là, où ces jeunes ont une incapacité à exprimer leurs émotions, à assumer leurs sentiments. Zach et Shéhérazad­e, c’est une sorte de Roméo et Juliette. » Un film coup de poing, mais un film coup de coeur.

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 ??  ?? Séance Spéciale à la Semaine Internatio­nale de la critique. De : Jean-Bernard Marlin (France). Avec : Dylan Robert, Kenza Fortas, Idir Azougli... Durée : 1 h 49. Genre : drame. Sortie : Prochainem­ent.
Séance Spéciale à la Semaine Internatio­nale de la critique. De : Jean-Bernard Marlin (France). Avec : Dylan Robert, Kenza Fortas, Idir Azougli... Durée : 1 h 49. Genre : drame. Sortie : Prochainem­ent.

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