Var-Matin (La Seyne / Sanary)

MON FILS, MA BATAILLE

Réduisant son sujet à une simple vengeance maternelle, Eva Husson rate complèteme­nt son film de guerre féministe

- par PHILIPPE DUPUY pdupuy@nicematin.fr @djphilip

LES FILLES DU SOLEIL

Compétitio­n De : Eva Husson (France). Avec : Golshifteh Farahani, Emmanuelle Bercot, Zübeyde Bulut... Genres : drame, guerre. Durée : 1h55. Sortie : 21 novembre. C e film-là, tout le monde voulait l’aimer. Surtout cette année ! Le combat des femmes kurdes contre Daech. Avec la plus émouvante des actrices (Golshifteh Farahani). Par une femme réalisatri­ce (Eva Husson, repérée avec Bang

Gang)… Si un film de femme devait décrocher la palme cette année à Cannes, ce devait être celui-là. Sauf que non. Ou alors pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la cinématogr­aphie. Celle d’Eva Husson est tellement pauvre ! Ce n’est pas faute d’ambition pourtant : la première scène renvoie directemen­t à celle d’Apocalypse Now avec chambre d’hôtel dans la pénombre, confession du héros (en l’occurrence une héroïne) en voix off et bruit d’hélicoptèr­e en fin de plan. Il ne manque que les Doors en B.O. Mais Eva Husson préfère visiblemen­t les tambours : ils martèlent toutes les scènes pour en souligner l’aspect dramatique. On hésite ici à continuer l’énumératio­n de tout ce qui cloche, pour ne pas donner l’impression de tirer sur l’ambulance (le film fait déjà figure d’accident industriel de la sélection), mais rien ne va. Emmanuelle Bercot en reporter de guerre, bandeau sur l’oeil façon John Wayne, fait peine. Le jeu de Golshifteh Farahani est réduit à une seule expression : celle du chien battu. Les autres actricesco­mbattantes ne servent que de figurantes. À part la femme enceinte de service (dont

l’exfiltrati­on et l’accoucheme­nt sont un grand moment de n’importe quoi), elles n’existent pas. Tout est surligné, mélodramat­ique, artificiel, maladroit, voire carrément embarrassa­nt. Le contexte politique et idéologiqu­e est totalement évacué au profit d’un simple film de vengeance maternelle : Bahar (Golshifteh) s’est engagée pour retrouver son fils enlevé par Daech. Le film raconte l’attaque de l’école coranique où il est retenu. À ce moment-là, on voudrait penser à Kathryn Bigelow (Démineurs), mais on en est, hélas, à des années lumières. Le dialogue final donne une bonne idée du niveau général. Mission accomplie, les deux femmes se quittent en souriant, comme si elles venaient de passer une semaine ensemble au Club Med : « Je t’enverrai l’article, promet Bercot. Tu en es l‘héroïne ! ».« Nous sommes toutes des héroïnes ! » lui répond gravement Golshifteh. Sur le générique, mettant sa menace à exécution, Bercot lit à haute voix le fameux article. Ce n’est pas avec ça qu’elle aura le Pulitzer. Fort heureuseme­nt, le dispositif « anti mauvaises critiques prématurée­s » mis en place cette année par le Festival a parfaiteme­nt fonctionné. Sifflé en séance de presse, le film a été ovationné à l’officielle. C’est toujours ça de pris.

C’était l’un des films les plus attendus de l’édition : il a été accueilli par les premiers sifflets...

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