Var-Matin (La Seyne / Sanary)

EMMANUELLE BERCOT

Reporter de guerre sans oeillère De retour à Cannes après une édition 2015 triomphale, l’actrice de Mon roi et réalisatri­ce de La Tête haute, incarne une journalist­e meurtrie tant dans sa chair que dans son coeur, témoin du combat des femmes-soldat dans L

- par ALEXANDRE CARINI facarini@nicematin.fr

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n bandeau sur un oeil obturé par un éclat d’obus. Le coeur réduit en morceaux par un drame intime. Mais le regard toujours vif pour témoigner de ce commando kurde au féminin, ex-esclaves sexuelles qui veulent prendre leur revanche sur les hommes de Daesh. Dans Les Filles du soleil, Emmanuelle Bercot est Mathilde, reporter qui va sur le terrain « d’abord pour l’adrénaline, puis elle se prend d’affection pour Bahar, et son regard va changer ». Combattant­e elle aussi, avec son appareil photo pour seule arme. Qui fait quasiment cause commune avec ces femmes soldats en treillis. Le choix des larmes. Toute ressemblan­ce avec un personnage ayant existé

n’est absolument pas fortuite. « Eva Husson(la réalisatri­ce), m’a tout de suite dit que le personnage est librement inspiré de Marie Colvin( journalist­e américaine tuée en Syrie en 2012), qui portait ce bandeau. Je n’ai pas pensé à John Wayne, ni à Jean-Marie Le Pen, précise l’intéressée. Mais c’est vrai que ce personnage, c’est une guerrière aussi. Elle a peur, mais elle n’en est pas moins courageuse, elle risque sa vie comme les autres. »

Un rôle d’action qui ravit Emmanuelle, audelà de la lutte féministe que veut aussi illustrer le film. « La cause féministe, c’est celle d’Eva. Pour moi, ce n’est qu’un film de guerre, et c’est ce que j’ai aimé faire. Petite, j’étais totalement un garçon manqué, j’adore les rôles physiques et

j’aurais adoré jouer une Lara Croft dans un film

de genre. » À chacun ses combats. En tant qu’actrice, Emmanuelle Bercot s’est pliée volontiers aux exigences de sa réalisatri­ce. En tant que femme, elle n’en épouse pas pour autant toutes les batailles (si ce n’est l’égalité

des salaires). « Je trouve que tout ce qu’on fait en ce moment sur la condition de la femme en France est un peu excessif, et peut-être contre-productif. Être une femme dans ce métier n’a jamais été un frein pour moi, et je n’ai jamais subi de harcèlemen­t sexuel, donc je ne peux m’associer à un mouvement, que je respecte par ailleurs. » D’autant plus que sur un plateau, pour ses propres films, c’est elle qui est alors général en chef. « Ah, oui, le cinéma, c’est aussi un chaos infernal pour une réalisatri­ce, je me sens comme un chef qui mène ses troupes à la guerre, toutes proportion­s gardées bien sûr ! » De ce point de vue, le Festival de Cannes, malgré le mitraillag­e des flashs, se révèle finalement moins éprouvant. Même si le tapis rouge est parfois miné pour une équipe de film. Mais cette Bretonne a su « LA CAUSE FÉMINISTE, C’EST CELLE D’EVA. POUR MOI, CE N’EST QU’UN FILM DE GUERRE. »

apprivoise­r la déferlante médiatique, depuis son année royale en 2015, avec La Tête haute en ouverture, et son prix d’interpréta­tion pour

Mon roi. « Grâce à cette nouvelle notoriété, j’ai travaillé beaucoup plus en tant qu’actrice. Mais je sais très bien que cette édition-là restera unique !,

relativise Emmanuelle. Cela dit, je n’ai jamais vécu quelque chose de violent ici, ça a toujours été positif, donc j’ai développé une relation très affective avec Cannes ». Sur ce terrain de bataille, la voilà prête à endosser l’uniforme de rigueur, talons hauts et robe chic, « parce que ce côté glamour, c’est une seule fois dans l’année, alors je me prête au jeu ». Mère excentriqu­e dans le premier film de Zoé Wittock, fille de Catherine Deneuve dans le prochain Cédric Kahn, Emmanuelle prépare son nouveau projet, sur la fin de vie. Après la guerre, une autre façon d’apprivoise­r la mort...

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Emmanuelle Bercot : une femme de cinéma bien dans ses pompes... malgré les apparences.

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