Dans Le Monde est à toi, le polar nerveux et comique de Romain Gavras qui a fait bidonner les festivaliers, il incarne un loser absolu, ex-taulard très à côté de la plaque. Jouissif !
par ALEXANDRE CARINI l y avait De Niro dans Jacky Brown, il y a désormais Vincent Cassel dans Le Monde est à toi ! Un film de malfrats digne d’Affreux sales et méchants, où Vincent Cassel incarne Henri, malfrat bas du plafond qui vient de sortir de prison, ex-beau père d’une petite frappe de banlieue (Karim Leklou) auquel il sert d’homme de main. Un loser absolu et magnifique, complètement déphasé et hypnotisé par les thèses complotistes, pour lequel Cassel livre une composition dont il a le secret. Avec bedaine, barbiche, et yeux marron. Sur la terrasse du Five Seasons, on retrouve plutôt l’acteur gravure de mode, regard bleu glacial, élégance et classe virile: quel contraste! Interview punchy.
Henri, c’est l’anti-Mesrine? C’est sûr que c’est moins glorieux ! Mais Henri, il est tellement aux fraises que ça en fait un personnage attachant, je crois. Il a un bon fond
Dans Le Monde est à toi, la galerie de portraits est particulièrement gratinée, entre une petite frappe (Karim Leklou) qui veut devenir Mister Freeze au Maghreb, sa mère castratrice bling-bling et voleuse (Isabelle Adjani), un caïd euphorisé, une michetonneuse (Oulaya Amamra)? Romain et moi avons une fascination pour les comédies italiennes des années 1960, avec tous ces personnages de losers magnifiques.
Henri, est vraiment en fin de course. C’est l’âge venant que vous pouvez l’interpréter ? Moi, je joue ce qu’on me propose. Mais vous savez,Vinz’ dans La Haine, ce n’était pas non plus un winner !
Votre composition tient aussi dans la transformation physique. Le goût de la métamorphose ? Oui, j’aime bien. Il fallait structurer ce personnage avec deux trois trucs, chez des gens qui me font penser à Henri, comme Jeannot, un pseudochanteur au Brésil. C’est un gars qui a raté une bonne partie de sa vie parce qu’il était derrière les barreaux, et donc déconnecté de la modernité.
Romain Gavras, avec lequel vous avez tourné Notre jour viendra c’est aussi une fidélité en amitié ? Nous sommes très amis, mais j’apprends aussi énormément et je m’amuse vraiment beaucoup à travailler avec lui. Il me fait faire des choses que personne d’autre ne me demande !
Et votre première fois avec Isabelle Adjani? On est toujours un peu impressionné de tourner avec des grandes actrices de cet acabit. On se dit : “J’espère qu’elle ne va pas faire des crises...” Et, en fait, elle est extraordinaire, d’un professionnalisme absolu, elle connaît le texte, elle bosse, c’est un plaisir de l’avoir avec nous, et c’est fantastique qu’elle se soit lancée là-dedans. Mais c’est vrai que si on n’a pas ce genre d’aventures dans une longue carrière, au bout de quelques années, on s’emmerde.
Et vous, comment passe-t-on de Jason Bourne à Hollywood à Le Monde est à toi ? Le boulot d’acteur ne change pas, et c’est une liberté de ne pas être dépendant d’un système en particulier, de ne pas se sentir obligé de faire tel ou tel film pour ne pas décevoir ses fans. Moi, je fais ce que je veux, et qui m’aime me suive !
Le film de genre, ça vous attire? Je viens de faire de la SF, Underwater, où je joue le capitaine d’une station qui s’effondre sous la mer. Mais je me rends compte que sur ces grosses bécanes américaines, je m’amuse moins, c’est plus formaté, il y a moins de place pour le jeu.
Vous retrouvez aussi Jean-François Richet pour jouer Vidocq ! C’est un projet de plusieurs années. Dans Vidocq, y a un côté Mesrine d’époque. C’est un personnage populaire… mais illégal !