Assises: quatorze ans pour le crime de la cellule
Sur un maximum encouru de quinze ans de réclusion pour coups mortels, la cour d’assises du Var a opté hier pour le haut de la peine requise par l’avocat général contre Sébastien Lallement
Ni abolition du discernement, ni altération pour Sébastien Lallement, hier devant la cour d’assises du Var, qui aurait pu entraîner son irresponsabilité pénale ou une réduction de la peine encourue. C’est sans réserve que les jurés varois, après deux heures de délibéré, l’ont déclaré coupable de coups mortels sur son codétenu Serge D’Attena, dans la nuit du 25 au 26 mars 2015, dans la cellule 126 de la prison de La Farlède. Ils ont choisi le haut de la fourchette de peines requise par l’avocat général, pour le condamner à quatorze ans de réclusion.
Quatre psychiatres en désaccord
C’est que les psychiatres ont été partagés sur la santé mentale de l’accusé. La première de ces experts avait conclu à une activité délirante chronique, sur fond d’homosexualité refoulée. Pour elle, le discernement de Sébastien Lallement était aboli, et sa place était dans un établissement psychiatrique, pour une hospitalisation de longue durée. Ses trois collègues ont dû ensuite se contenter de contre-expertises « tronquées », débouchant sur des conclusions « avec beaucoup de réserve », l’accusé ayant refusé de leur parler des faits. Ils ont été divisés entre une personnalité psychopatique et un délire chronique. Quant à Sébastien Lallement, il a réfuté toute maladie psychique, s’estimant pénalement responsable de ses actes.
Passivité coupable
Pour les proches de Serge D’Attena, Me Catherine Martini a déploré que l’accusé n’ait pas voulu dire ce qui s’était passé dans le huis clos de la cellule 126. Pour elle, si l’administration pénitentiaire, contre laquelle la famille D’Attena a porté plainte, avait eu « quelques défaillances », c’était surtout Sébastien Lallement qui était responsable de la mort de son codétenu. « Parce que s’il appelle à l’interphone à minuit après les premiers coups, il ne rappelle pas après les seconds à 1h30. Il ne les signale pas non plus à la première ronde à 7 heures. Et à la ronde de 9 heures il dit aux surveillants qu’il ne sait pas ce qui est arrivé à Serge D’Attena. »
Pas de délire, mais un goût amer
Dans son réquisitoire, l’avocat général Patrick de Firmas n’a pas éludé le fait que les contradictions entre les psychiatres étaient « un point important». Pour autant, il estimait que l’accusé n’était pas irresponsable pénalement. « Le matin avec les surveillants, le directeur de la prison, puis le médecin en garde à vue, il ne tient aucun propos délirant. Pendant l’instruction, il monte lui-même un dossier très ordonné. J’y vois un signe de sa capacité à raisonner, et je n’ai pas eu à ce procès le sentiment d’avoir affaire à quelqu’un de délirant. » Pour requérir «treize à quatorze ans de réclusion », l’avocat général a demandé aux jurés de tenir compte de l’acharnement dans les coups portés à la victime, et de la passivité de Sébastien Lallement pour déclencher l’alerte après les ultimes violences. Dans une défense sobre, Me Sandrine Zepi a expliqué à la cour qu’elle était venue lui demander de condamner Sébastien Lallement, « ce qu’il réclame depuis le premier jour ». Mais de le condamner en tenant compte de sa « personnalité complexe » ,de « l’ultrapromiscuité » de l’univers carcéral, et du fait qu’il avait tout de même lancé la première alerte, « dans une affaire qui laisse un goût amer, parce qu’on a le sentiment que quelque chose aurait pu être fait ».