Var-Matin (La Seyne / Sanary)

VINCENT LINDON Le coup d’éclat permanent !

Abattu et quasiment résigné dans La Loi du marché,Vincent Lindon est révolté et survolté dans En guerre ,du même Stéphane Brizé. Une interpréta­tion à nouveau magistrale et un investisse­ment de tous les instants, pour un film au réalisme radical... et synd

- par ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

Il crie, il gueule, il vitupère. Il s’énerve, il s’indigne, il s’insurge. Il donne de la voix, comme on fait le coup de poing. Vincent Lindon, alias Laurent Amadeo, est de tous les plans. Investisse­ment de tous les instants. Syndicalis­te En Guerre. Toujours sur les nerfs . Militant sur les charbons ardents. Coup d’éclat permanent!

« Dans La loi du marché, mon personnage était abattu, taiseux, introverti. Là, c’est un homme battant qui se sert de sa parole comme d’une arme », confirme Vincent, que l’on retrouve beaucoup plus assagi et épanoui à Cannes. Surtout après l’accueil triomphal accordé au nouveau film de Stéphane Brizé. « Mais ce film n’est pas un pamphlet contre les patrons. Chaque camp a sa logique et ses raisons. Il s’agit juste de montrer un état du monde. » Le film devait d’ailleurs s’intituler Un autre

monde. Son réalisme radical le porte davantage vers la bataille. Avec un montage et une bande-son électrique­s, sous tension. « On l’a

tourné en seulement vingt-trois jours, pour se retrouver dans les mêmes conditions, le même état d’urgence et de guerre que vivent les gens dont on parle. Mais c’est un vrai film de cinéma, pas un documentai­re. » Acteur immergé parmi des amateurs. Comme unis à la vie... à la mort. Des partenaire­s comme des frères. Pas question d’en faire de simples figurants ! « Moi, j’adore les gens, y a que ça qui m’intéresse. J’aime boire des coups, parler, échanger. Quand j’arrive sur un plateau, j’ai envie qu’il m’arrive la même chose que dans la vie, pas juste bonjour-bonsoir », affirme-t-il, les yeux dans les yeux, celui qui aurait pu jouer aussi

dans Le Goût des autres. « Pour le rôle d’Amadeo, j’ai parlé avec deux trois leaders syndicaux, mais je me suis surtout inspiré de mes collègues dans le film. On s’est portés mutuelleme­nt. Eux, pour les faire entrer dans la fiction. Moi, pour me dissoudre dans ce collectif. On était tout le temps ensemble, au déjeuner, au resto, dans la même loge, avant

“moteur”, entre les prises et après “coupé”. » Un rôle qui laisse forcément son empreinte sur l’homme. Même sur le tapis rouge de Cannes, où le smoking de la star a remplacé le bras de chemise de l’ouvrier. « C’est un système de vase communican­t. On donne de nous à un personnage, et il nous en rend forcément, constate le comédien aux trente-cinq ans de carrière. Après Welcome, La loi du marché,

ou En guerre, mine de rien, y a des trucs qu’on ne peut pas faire. Je n’ai jamais été attiré par le luxe, mais un jour, après le tournage de La loi du marché, on m’a proposé un retour sur Paris en jet privé. J’ai répondu:

“T’es fou ! Je suis vigile d’un supermarch­é !”». Mais n’allez pas croire que Lindon est désormais cantonné à des emplois « sociaux », où le quotidien tient lieu de vedette. « Je veux garder toute ma liberté dans ce métier, et ça m’emmerderai­t de ne faire plus que ça ! Je viens de faire Casanova pour Benoît Jacquot, avec des bagues, des manières, un costume et des dialogues ampoulés. C’est super aussi ! » L’acteur pourrait aussi incarner L’Infiltré, adapté du récit d’Hubert Fournier sur les cartels de drogue mexicains, en passant par la Côte d’Azur. « Mais je n’en suis qu’à la lecture du scénario, rien n’est fait. »

En attendant, Vincent, « abonné » de la Croisette en mai, goûte au plaisir du Festival. Même ce jour paradoxal où En guerre fut présenté en même temps que Star Wars, méga-production Disney !

« Ah, c’est un peu les princesses et Cendrillon... Mais faut se méfier de Cendrillon !»

« CANNES, C’EST LE PLUS BEAU PROJECTEUR POUR METTRE UN FILM EN LUMIÈRE. »

 ?? « Ah, il faudra le SAMU et les pompiers pour ramasser mon corps ! » ?? Vincent Lindon à Cannes, formidable dans En guerre. Et si jamais il gagne un deuxième prix d’interpréta­tion, après celui glané il y a deux ans pour La loi du marché ?
« Ah, il faudra le SAMU et les pompiers pour ramasser mon corps ! » Vincent Lindon à Cannes, formidable dans En guerre. Et si jamais il gagne un deuxième prix d’interpréta­tion, après celui glané il y a deux ans pour La loi du marché ?

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