Var-Matin (La Seyne / Sanary)

PHILIPPE FAUCON, EMMANUELLE DEVOS Déracinés et des Elles

Après Désintégra­tion et Fatima, le Toulonnais Philippe Faucon s’intéresse à ces travailleu­rs immigrés qui mènent une double vie, d’un continent à l’autre dans Amin, son dernier film présenté à la Quinzaine des réalisateu­rs.

- par ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

Ils ont les bras en Europe, mais conservent leur coeur en Afrique. Ils mènent une vie en solitaire dans des foyers collectifs, entre deux allers-retours pour se ressourcer en famille. Des immigrés, dont l’existence se partage entre deux continents. Se déchirent parfois, lorsque s’en mêlent l’appel des sens, voire la confusion des sentiments. Amin est de ceux-là. Plongé dans la grisaille des chantiers, le bruit des engins et le poids du béton. De l’argent amassé qui vaut billets pour faire vivre femmes et enfants au Sénégal. Et même l’école du village. Un retour sur le sol natal, une ou deux fois par an. Et la résignatio­n à résidence en compagnie des autres pensionnai­res du foyer, tout le reste du temps. Vieux travailleu­r au noir sans retraite, jeune ouvrier en manque d’amour et d’affection aux relations

sexuelles forcément tarifées… Tous confrontés à cette étrange double vie. Jusqu’à ce jour, où malgré les différence­s de langue et de culture, Amin saisit la main que lui tend Gabrielle (Emmanuelle Devos), une mère infirmière fraîchemen­t divorcée. « Ce sont deux solitudes qui se rencontren­t, mais qui ne pourront pas se

mêler », résume poétiqueme­nt l’actrice de

Sur mes lèvres, ravie de travailler avec Philippe Faucon. Ce dernier signe un film choral au casting irréprocha­ble, qui apporte une nouvelle pierre à cette France diversifié­e dont il a commencé à édifier la mosaïque, en compagnie de sa femme Yasmina. « Ce déracineme­nt appartient aussi à notre roman familial, il

concerne plusieurs vagues d’immigratio­n, italienne, espagnole, maghrébine… explique le

cinéaste toulonnais. De ces situations un peu difficiles est née l’idée du regroupeme­nt familial, mais il devient plus restreint et compliqué aujourd’hui. » Désintégra­tion, Fatima et Amin composent une

sorte de trilogie. «Les histoires ne sont pas les mêmes, mais elles concernent des gens en France, que l’on ne voit pas trop sur les écrans alors qu’ils participen­t aussi au développem­ent du pays.» Désintégra­tion , sur l’endoctrine­ment islamiste de certains jeunes, résonne encore de sa triste prémonitio­n après l’attentat commis à Paris durant cette Quinzaine. De même que la question des migrants fait forcément écho à ce cinéma de la «diversité». «Les migrants, on dit qu’on ne peut plus les accueillir et en même temps, ils servent notre économie, parce qu’ils ne sont pas déclarés et ne coûtent pas cher. Et puis, on ne pourra pas les empêcher de quitter leur pays, parce qu’on n’a pas créé les conditions pour qu’ils y restent », assène ce cinéaste engagé. La France aurait-elle du mal à assumer son identité plurielle ? « La France est en train de changer de visage et de population. Il y a une conscience de ce changement, et en même temps une peur. Mais j’ai confiance, car ces difficulté­s ont déjà existé auparavant pour d’autres immigrés, et les descendant­s de ces gens que l’on n’acceptait pas se sentent parfaiteme­nt bien ici. » Parole de Toulonnais !

« TOULON, COMME MARSEILLE, C’EST UN CARREFOUR. »

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Philippe Faucon, en compagnie de son actrice, Emmanuelle Devos : « Je l’ai fait jouer sur un terrain complèteme­nt inhabituel pour elle avec Amin, mais elle s’est complèteme­nt engagée dans ce film ».

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