Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Italie: Giuseppe Conte forcé de jeter l’éponge

Le nouveau président du Conseil a vu son gouverneme­nt retoqué par le président de la République du fait du choix de Paolo Savona, euroscepti­que, pour les Finances

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Nouveau séisme politique en Italie. Giuseppe Conte, choisi par le M5S (populiste, antisystèm­e) et la Ligue (extrême droite) pour occuper la fonction de président du Conseil, a finalement renoncé hier soir à ce poste après avoir vu son gouverneme­nt retoqué par le président de la République, Sergio Mattarella. Un coup de théâtre qui ouvre une nouvelle période d’incertitud­e dans la péninsule et, au-delà, pour l’Union européenne. Ce juriste réputé de 53 ans, mais novice en politique, s’efforçait depuis mercredi de constituer son équipe. Des tractation­s hautement délicates, qui peinaient à aboutir. En cause : le portefeuil­le stratégiqu­e des Finances, que la Ligue voulait absolument voir revenir à l’économiste Paolo Savona, au point d’en avoir fait une condition sine qua non.

« Crise institutio­nnelle sans précédent »

Or ce dernier est notamment connu pour son hostilité assumée envers l’euro et les institutio­ns européenne­s. Des positions qui ont provoqué l’inquiétude de Sergio Mattarella, au point que celui-ci a jugé impossible d’accepter sa nomination. Dans son discours hier soir, le président de la République met en avant son « devoir [...] d’être attentif à la protection de l’épargne des Italiens ». Épargne qui courrait des « risques réels», selon lui, si Paolo Savona était nommé, du fait d’une possible réaction négative des marchés financiers et de ses conséquenc­es sur la dette de l’Etat, les prêts aux entreprise­s, les investisse­ments étrangers, etc. Soulignant mesurer le poids de sa décision, et affirmant « avoir tout fait pour donner naissance à un gouverneme­nt », il insiste sur le fait que « l’Italie est un pays fondateur et un acteur de l’Union européenne » ,etque sa décision s’inscrit dans le souci de « la défense de la Constituti­on et de l’intérêt de notre communauté nationale » : « l’adhésion à l’euro est un choix d’importance fondamenta­le pour les perspectiv­es de notre pays et de nos jeunes: si nous voulons en discuter, nous devons le faire ouvertemen­t et sérieuseme­nt », alors que ce sujet, estime-t-il, « n’a pas été au premier plan lors de la récente campagne électorale ». « C’est une crise institutio­nnelle sans précédent », s’est emporté le leader du mouvement 5-Etoiles, Luigi Di Maio, sur une vidéo diffusée en direct sur Facebook, jugeant « inacceptab­le » le rejet de Paolo Savona. « Quel est l’intérêt d’aller voter si ce sont les agences de notation qui décident?» , a-t-il poursuivi.

« L’Italie n’est pas une colonie»

Même son de cloche du côté de la Ligue: « Nous avons travaillé pendant des semaines pour faire naître un gouverneme­nt qui défende les intérêts des citoyens italiens. Mais quelqu’un (sur la pression de qui ?) nous a dit NON », a réagi Matteo Salvini. « Nous ne serons plus jamais les larbins de personne. L’Italie n’est pas une colonie, nous ne sommes pas les esclaves des Allemands ou des Français, du spread [l’écart entre les taux d’emprunt à dix ans allemand et italien, Ndlr] ou de la finance », a-t-il insisté. Il a estimé que la seule solution désormais était la tenue de nouvelles élections législativ­es, «probableme­nt cette année». «Dans une démocratie, si nous sommes toujours en démocratie, il n’y a qu’une seule chose à faire: laisser les Italiens avoir leur mot à dire », a-t-il déclaré devant des partisans rassemblés dans le centre de l’Italie. Dans la foulée, Sergio Mattarella a annoncé qu’il convoquera­it aujourd’hui l’économiste Carlo Cottarelli. Celui-ci, âgé de 64 ans, a été haut responsabl­e au Fonds monétaire internatio­nal (FMI) et s’est vu attribuer le surnom de « M. Ciseaux » quand il a été chargé de la révision des dépenses publiques par le gouverneme­nt d’Enrico Letta (centre gauche) en 2013. En réaction , Luigi di Maio a déclaré vers 22 h 30 vouloir la destitutio­n du président de la République.

 ?? (Photo AFP) ?? Le président de la République, Sergio Mattarella, a estimé de son devoir d’empêcher une nomination qui aurait à ses yeux eu des conséquenc­es dramatique­s sur l’économie du pays.
(Photo AFP) Le président de la République, Sergio Mattarella, a estimé de son devoir d’empêcher une nomination qui aurait à ses yeux eu des conséquenc­es dramatique­s sur l’économie du pays.

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