Présidentielle historique en Colombie
Plus de 36 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes hier pour élire le premier président qui, depuis plus d’un demi-siècle, gouvernera sans la menace des guérilleros Farc, lors d’un duel inédit entre la droite dure et la gauche antisystème. Transformé en mouvement politique, la Farc a en effet renoncé à la présidentielle après avoir essuyé un échec cuisant aux législatives en mars dernier : elle n’avait pas réussi à dépasser 0,5 % pour gagner plus que les 10 sièges octroyés d’office par l’accord de paix signé en 2016. «Avec les élections de mars dernier, pour élire le nouveau Congrès, nous achevons le premier cycle complet d’élections nationales sans la menace du conflit armé avec les Farc», a souligné samedi le chef de l’État sortant Juan Manuel Santos. Après deux mandats depuis 2010, ce président de centre-droit ne peut se représenter. La consolidation de la paix, fragilisée par des retards dans l’application de l’accord, dépendra de son successeur.
La droite veut réviser l’accord de paix
Dans un pays où la droite règne depuis toujours, le champion de cette dernière, Ivan Duque, un novice en politique, part favori pour ce premier tour. La droite dure, opposée au pacte signé avec l’ex-guérilla Farc et aux pourparlers entamés avec l’Armée de libération nationale (ELN), dernière rébellion du pays, entend reconquérir la présidence avec un candidat jeune (41 ans). Parmi six candidats, cet avocat et économiste représente une coalition menée par le Centre démocratique (CD) du controversé, mais populaire, ex-président Alvaro Uribe. Crédité de 37,6% à 41,5% des voix selon les sondages, Duque défend la liberté d’entreprendre, les valeurs traditionnelles de la famille et vilipende le Venezuela voisin en faillite. Outre la révision de l’accord, qu’il juge laxiste envers les ex-guérilleros exemptés de prison s’ils admettent leurs crimes, Ivan Duque promet d’éradiquer la drogue, la corruption et de relancer la 4e économie d’Amérique latine, en berne à 1,8 % de croissance. Mais il devra compter avec Gustavo Petro, ancien maire de gauche de Bogota, détaché des partis traditionnels. Crédité de 24,2 % à 29,5 % des voix, le représentant du mouvement «Colombie humaine» est un ex-guérillero du M-19, un ancien mouvement de lutte armée qui s’était transformé en parti politique en 1990, avant d’être finalement dissous. À 58 ans, il défend l’accord avec l’ex-guérilla Farc et le dialogue avec l’ELN (qui a suspendu ses actions armées à l’occasion de cette élection) et séduit les foules avec un programme favorable aux plus humbles, mais se voit reprocher ses accointances avec le socialisme vénézuélien.